Dimanche 17 février 1901

De Une correspondance familiale



Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Douai), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)


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Douai, 17 Février 01

Ma chère petite Mie,

Je suis bien touchée de tes bons souhaits et je t’assure que je n’ai pas douté une minute que tu ne les aies faits dans ton cœur dès Jeudi. Il y a si longtemps que tu en as l’habitude ! Nous voilà un peu vieilles toutes les deux, dans notre 4e dizaine[1], mais jusqu’ici cela ne me gêne pas beaucoup et je me sens encore un fond de jeunesse en dépit des années.

Vous êtes des gens bien mondains, mes pauvres amis, plus encore que nous, je crois, quoique cette semaine nous soyons sortis beaucoup : Samedi dernier au bal, Lundi un grand dîner de 40 convives, Mardi petite soirée chez un officier, Jeudi j’ai mené mes filles[2] voir deux pièces à l’école des Frères, jouées très gentiment par des jeunes gens de bonne volonté et entre lesquelles on a intercalé les tableaux à ombres chinoises de la mission Marchand[3], avec récitatif et chant[4], ce doit être le même genre que ce que vous avez vu ; il y a quelque temps nous avions déjà vu la marche à l’Étoile[5], même système. Enfin hier soir, très joli bal costumé chez le Général[6] ; il y avait beaucoup de costumes pour la plupart jolis et presque toutes les personnes présentes (à part des officiers en uniforme) s’étaient au moins poudrées ou fait une tête. Je m’étais contentée de mettre mon nœud d’Alsacienne me jugeant trop respectable pour arborer le costume tout entier. Quoique il n’y eût presque que le monde militaire et quelques familles de Magistrats, il y avait suffisamment de monde pour que ce soit très animé. J’y ai fait (ou plutôt refait car je l’avais entrevue jadis au camp de Châlons) connaissance avec notre nouvelle Colonelle Mme Majorelle[7]. Il est impossible de trouver une femme plus charmante, aimable, distinguée, elle a tout pour elle. Nous ne perdons pas au change ! Le Colonel paraît très bien aussi. En revanche la Générale[8] !... d’où sort-elle ? elle a une tête d’actrice, d’aucuns la disent juive, ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle n’a rien d’attrayant. Quel contraste avec la bonne Mme Reibell[9] !

Jacques[10] arrive demain [à midi] et a la permission de ne repartir que Mercredi à 6h du matin.

Ce que tu me dis de notre pauvre tante M.[11] me désole. pourquoi l’agiter ? est-ce que tout le monde n’a pas les jambes enflées de dernier mois ? il manque [décidément] au bon oncle[12] d’avoir été dans une position intéressante ; il serait à désirer que les médecins puissent avoir une expérience personnelle sur tous les cas pathologiques. Je compte bien aller voir Hélène très prochainement, Samedi si c’est possible.

Adieu ma chérie, je t’embrasse [ ]

Émilie

Damas[13] a passé à Campagne la journée de Jeudi, notre mère[14] va très bien.


Notes

  1. Émilie Mertzdorff est née le 14 février 1861 et sa sœur Marie le 15 avril 1859.
  2. Lucie et Madeleine Froissart.
  3. Jean Baptiste Marchand (1863-1934), militaire et explorateur, célèbre pour avoir commandé une mission d'exploration en Afrique centrale à l'origine de la crise de Fachoda au Soudan (1896-1899).
  4. La marche au Soleil, épopée en ombres de la mission Marchand, créée au Théâtre de la Bodinière le 17 décembre 1899 avec dessins de Leroy et ombres de Lamouche.
  5. La Marche à l'étoile, mystère en 10 tableaux, poème et musique de Georges Fragerolle (1855-1920), dessins d'Henri Rivière (1864-1951), Paris, Enoch frères et Costallat, 1890 (plusieurs rééditions).
  6. Le général Désiré Villa.
  7. Caroline Marie Caze , épouse du colonel Fernand Eugène Majorelle.
  8. Marie Julia Florentine Perdrix, épouse du général Villa.
  9. Mélanie Marie Céleste Joséphine Reibell, épouse du général Auguste Reibell.
  10. Jacques Froissart, pensionnaire à Lille.
  11. Marie Stackler, veuve de Léon Duméril. Elle s'inquiète pour sa fille Hélène Duméril, épouse de Guy de Place, qui accouchera d'Anne Marie de Place le 1er mars 1901.
  12. Henri Stackler, médecin, oncle d'Hélène Duméril-de Place.
  13. Damas Froissart.
  14. Aurélie Parenty, veuve de Joseph Damas Froissart, belle-mère d'Émilie Mertzdorff-Froissart.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Dimanche 17 février 1901. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Douai), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_17_f%C3%A9vrier_1901&oldid=54458 (accédée le 25 avril 2024).

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