Dimanche 16 avril 1876

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1876-04-16 pages 1-4.jpg original de la lettre 1876-04-16 pages 2-3.jpg


Paris le 16 Avril 1876

Pâques.

Mon Père chéri,

Voilà donc le jour de Pâques arrivé et tu n’es pas avec nous j’espère du moins que tu ne vas plus tarder beaucoup et que tu es toujours décidé à faire un bon séjour avec nous d’autant mieux que je vais être en vacances et que je pourrai alors jouir complètement de ta présence. Je te remercie mon bon petit papa de la gentille lettre que j’ai reçue de toi si tu savais comme elles nous font toujours plaisir tes chères lettres ! Je ne puis croire que j’ai déjà dix-sept ans et vraiment à me voir aussi bébé on ne le dirait guère non plus ; espérons que ma dix-huitième année va me rendre plus raisonnable ! J’aurais bien aimé t’embrasser pour le jour de ma fête ma seule consolation sera de t’embrasser doublement fort quand tu seras ici.

Tante[1] a reçu hier une lettre de tante Adèle[2] qui passera probablement par Paris vers la fin du mois, je me réjouis énormément de la revoir et surtout de faire connaissance avec Mlle ma filleule[3] que je me suis déjà figurée bien des fois et de bien des façons.

Hier nous avons eu une bien bonne journée pour notre Samedi saint. D’abord nous avions à déjeuner deux messieurs dont l’un M. Filhol vient de faire le tour du monde avec l’expédition de Vénus et a séjourné quelque temps à la Nouvelle Calédonie, et l’autre M. de [Seissac] a déjà été en Afrique et par dans deux jours pour explorer le nord de l’Amérique. Nous avons déjeuné en retard par la faute de l’un des convives pas aussi savant et intéressant que ceux dont je viens de te parler mais bien utile aussi, le pâté de saumon sur lequel devait rouler tout le repas, aussi à 10h quand Mlle Bosvy[4] est arrivée je n’avais pas fini ; je suis montée cependant afin de laisser à Émilie[5] tous les charmes de la conversation pour laquelle elle se réjouissait tant et aussi parce que cette bonne petite sœur m’offre cette semaine presque toutes ses leçons afin que je puisse avoir répété toute mon histoire avant le fameux jour[6] car c’est de Mercredi en huit et je n’ai encore absolument rien fait depuis mon examen écrit. Mais je reprends le fil de ma narration. A midi tante est partie à l’enterrement de Mme Geoffroy[7] car je ne sais si nous t’avons dit que cette pauvre dame venait de mourir, et à 1h Cécile[8] nous a emmenées à Notre-Dame où tante devait venir nous reprendre et où Paulette[9] devait se trouver. Juge de notre surprise en entrant dans l’église où nous pensions voir beaucoup de monde et de ne voir absolument que des chaises rangées en bon ordre et de sermon zéro heureusement que Paule nous avait attendues et nous sommes parties ensemble chez elle où nous devions rester jusqu’à 3h1/2.

Nous avions emporté notre ouvrage et je t’assure que nous nous sommes bien amusées Paulette est si gentille et si gaie et plus nous la voyons plus nous l’aimons et plus nous avons envie de la voir. Enfin tante est venue nous arracher aux délices de Capoue pour prendre l’omnibus et aller faire une visite cette fois moins amusante chez M. Pilette[10] heureusement que cela n’a pas été long et que nous n’y retournerons plus d’ici quelque temps. Aujourd’hui nous avons été à la grand’messe puis chez bonne-maman[11] où nous avons trouvé oncle[12] et enfin dans les nouveaux laboratoires qui sont admirables, je suis sûre que tu les trouveras bien quand tu les verras. Jeanne B.[13] est ici et est en train de déchiffrer à 4 mains avec Émilie ce qui semble les amuser beaucoup.

Je crois que je pourrais continuer ainsi jusqu’à demain si je voulais car aujourd’hui j’ai très envie de parler mais me voilà au bout de mon papier et si nous voulons arriver encore au salut nous ferons bien de partir. Je t’embrasse donc de toutes mes forces mon petit père bien-aimé et à bientôt j’espère.

Ta [  ] fille
Marie


Notes

  1. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  2. Adèle Duméril, épouse de Félix Soleil.
  3. Louise Soleil.
  4. Marguerite Geneviève Bosvy, professeur d’arithmétique.
  5. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  6. Jour de l’examen oral.
  7. Pauline Brière de Mondétour, veuve de Étienne Geoffroy Saint-Hilaire.
  8. Cécile Besançon, bonne des demoiselles Mertzdorff.
  9. Paule Arnould.
  10. Ernest Pillette, dentiste.
  11. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  12. Alphonse Milne-Edwards.
  13. Jeanne Brongniart.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 16 avril 1876. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_16_avril_1876&oldid=61654 (accédée le 22 décembre 2024).

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