Dimanche 14 août 1870 (B)

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Paris)

original de la lettre 1868-08-14 B pages1-4 et enveloppe.jpg original de la lettre 1870-08-14 B pages2-3.jpg


CHARLES MERTZDORFF

AU VIEUX-THANN

Haut-Rhin[1]

Ma chère Nie

Absolument rien d'important ici. Hier j'ai fait visite aux Kestner, j'ai dû assister quelques mises en scène, qui ne m'ont pas trop réjoui. Il n'y a pas de cœur là-dedans & je me félicite de ne pas être plus voisin que nous ne le sommes. toutes ces dames m'ont donné d'aimables & gracieuses paroles pour toi. Dans une heure je vais à l'enterrement[2].

La paie s'est bien passée. J'ai d'avance pour Samedi Morschwiller & encore pour la 15ne d'ici.

M. Jaeglé va demain en Voiture à Bâle où nous avons encore à encaisser, si cela rentre nous pouvons attendre un mois de plus. C'est beaucoup que de savoir ce que l'on peut faire pendant un mois.

L'on soutient qu'il n'y a pas un soldat de l'autre côté du Rhin vis-à-vis de nous. Je le crois, tout l'effort se fera entre Metz & Nancy. L'armée ennemie a déjà en partie passé les Vosges, où nous n'avons pas su l'arrêter.

J'avoue qu'ici tous les hommes que l'on appelle sont consternés & demandent lettres etc. pour ne pas aller à l'armée. La confiance n'est pas grande.

Ce matin l'un des Bonheur, il n'est pas Alsacien celui-là, me demande une lettre pour pouvoir entrer dans les ouvriers. etc. etc. L'élan nécessaire n'y est pas ;

J'ignore si dans l'intérieur de la France les campagnes montrent plus d'ardeur, je le souhaite.

Léon[3] est toujours dans l'incertitude s'il doit partir. Dans ce cas il cherchera à se faire remplacer. Je prétends qu'après la bataille gagnée tout le monde sera sur pied perdu, impossible de chercher un homme en Alsace.

Le village est très calme. Pour demain pas de Te Deum, qui est remplacé par des prières pour l'armée & la France ; & l'empereur[4] mais pas de mise en scène de Pompiers.

Je n'ai pas reçu de lettre de toi. Les journaux sont venus. Par contre une lettre d'Emilie[5] de Colmar où ils ne sont pas plus rassurés qu'il ne faut. Voilà les Pauvres Préfets qui ont de la besogne, l'on dit que la conscription de la classe 71 est finie pour le 29 à Thann. Ce sont les Préfets qui doivent ramasser les anciens militaires & les former en corps & bien d'autres besognes encore. Arrivera-t-on à temps.

Tu peux croire que nous ne recevons plus rien. la besogne est à bout. Nous ne recevons des lettres que pour nous dire que l'on ne paie pas, attendez, ou pour nous demander des marchandises que nous ne pouvons expédier le chemin de fer ne prenant plus rien.

Et toutes ces marchandises resteront très probablement ici jusque longtemps après la guerre. Car si les chemins de fer sont détruits en partie, il faudra du temps pour faire voyager des marchandises.

Léon est ici, il m'accompagne à l'enterrement. je te quitte non sans t'embrasser comme je t'aime

Charles Mertzdorff

Dimanche 2 h.


Notes

  1. En-tête imprimé.
  2. L’enterrement de Charles Kestner.
  3. Léon Duméril.
  4. Napoléon III.
  5. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.

Notice bibliographique

D’après l’original

Annexe

Madame Mertzdorff

chez Madame Desnoyers6

36 rue Geoffroy St Hilaire

Jardin des Plantes

Paris

Pour citer cette page

« Dimanche 14 août 1870 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_14_ao%C3%BBt_1870_(B)&oldid=39347 (accédée le 22 décembre 2024).

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