Dimanche 14 août 1870 (A)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie (Paris)
Ma chère Marie
Demain ta fête & je ne suis pas avec toi pour t’embrasser comme je t’aime. Mais si nous le regrettons tous les deux, ne soyons pas tristes.
Tu vois, combien souvent même les grandes personnes les papas & les Mamans ne peuvent pas faire comme ils voudraient.
Il ne faut pas se plaindre, & toujours faire pour le bien. Comme les petits enfants ne peuvent pas toujours savoir où est le bien, il faut bien qu’ils écoutent les grandes personnes.
Mais je voulais t’écrire pour te souhaiter une bonne fête. Maman[1] me dit qu’elle est très contente de ses petites filles[2]. La sagesse & l’affection c’est le plus beau cadeau qu’un enfant puisse faire à ses parents.
Hier en passant dans le village, j’ai rencontré les petites amies[3] avec Mlle Augusta[4]. Marie m’a dit qu’elle t’avait écrit pour ta fête, de sorte qu’elle n’avait plus rien à te faire dire. Elles m’ont demandé si vous restiez encore longtemps absentes. Comme nous ne le savons pas elle n’était pas contente.
Hélène m’a demandé si Emilie s’était bien amusée à la Mer, je lui ai raconté un peu ce que vous faisiez & les deux paraissaient très contentes.
Mlle Augusta m’a dit que ses deux petites élèves travaillent bien, elle est très contente des progrès que l’on fait.
Et vous tâchez au moins de ne pas oublier le petit peu que vous saviez ; mais c’est difficile à Paris me diras-tu. C’est vrai, mais il faut aussi avoir le courage de savoir faire ce qui est difficile.
Je t’assure que depuis que je suis ici, je fais bien des choses qui sont difficiles & qui ne m’amusent pas du tout.
Jeanne Scheurer[5] vient de perdre son bon-papa[6] je n’ai pas eu occasion de la voir ; mais je sais qu’elle va bien.
Sophie Keiser[7] vient quelquefois à la maison jouer avec les petits enfants de Mme Jaeglé[8] qui demeure maintenant dans la maison de tante Zaepffel[9]. Ces petits enfants[10] sont bien gentils & viennent courir pour me donner la main & me dire bonjour. cela fait toujours plaisir aux grandes personnes que de voir des enfants aimables.
Nanette & Thérèse[11] me demandent toujours de vos nouvelles, je leur ai dit que je venais de recevoir ton journal pour lequel je te remercie. Sauf, toutefois, l’écriture qui est d’une petite fille qui n’aime pas écrire & qui a bien peur de se donner un peu de peine. La petite fille sera grande un jour, je l’espère & elle sera bien fâché contre elle-même de ne pas s’être donné un peu plus de peine lorsqu’elle était jeune.
La maison, le jardin, tout cela est bien triste sans la petite Maman & ses deux satellites[12], aussi je reste le plus longtemps possible à mon bureau. Et dîner tout seul, ce n’est pas gai non plus.
Mais rien n’est gai ici & je suis très content de vous savoir tous réunis à Paris.
Je vais encore écrire à Maman, mais tu peux cependant l’embrasser pour moi. J’ai écrit à ma petite Emilie hier, tu l’embrasseras sur des deux petites joues roses.
Je sais que tu aimes bien embrasser bonne-maman[13] papa[14] tante[15] & les deux oncles taquins[16], tu le feras pour moi d’abord, pour toi après.
Pour toi ma chérie mes meilleurs baisers de ton père qui t’aime beaucoup
Charles Mertzdorff
Dimanche matin
Oncle Léon[17] est ici il embrasse bien Mimi & Émilie.
Notes
- ↑ Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff.
- ↑ Marie (Mimi) et Émilie Mertzdorff.
- ↑ Marie et Hélène Berger.
- ↑ Marie Auguste Eschbaecher, institutrice des petites Berger.
- ↑ Jeanne Scheurer-Kestner.
- ↑ Charles Kestner, décédé le 12 août 1870.
- ↑ Probablement Sophie Kayser, âgée d'une douzaine d'années, fille de Louis Kayser et Valentine Baer, protestants comme les Jaeglé.
- ↑ Marie Caroline Roth, épouse de Frédéric Eugène Jaeglé, mère de Georges et Julie Frédérique.
- ↑ Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
- ↑ Sophie Kayser et son frère Louis Kayser, plus jeune.
- ↑ Annette et Thérèse Neeff, domestiques chez les Mertzdorff.
- ↑ Eugénie et les deux petites Marie et Émilie.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Le « bon-papa » Jules Desnoyers.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards et Julien Desnoyers.
- ↑ Léon Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 14 août 1870 (A). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_14_ao%C3%BBt_1870_(A)&oldid=61968 (accédée le 18 décembre 2024).
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