Dimanche 11 novembre 1917

De Une correspondance familiale


Lettre de Guy de Place (mobilisé) à Jacques Meng (Fellering)

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Reçu le 16.11.1917
Répondu le 19 Novembre 1917
26 Novembre 1917

11 Novembre

Mon cher Monsieur Meng

Je suis en possession de votre lettre du [5] novembre et vous dis merci pour l’expédition [des Pouvoirs] de Zwingelstein qui arriveront je pense à bon port.

Je remarque que M. Meyer, dans ses rapports, ne parle que d’Écuries et culture. Ne s’occupe-t-il d’autre chose ou bien M. Zwingelstein a-t-il la direction de tout ce qui se fait à l’usine proprement dite, auquel cas en effet c’est lui qui me fournit le rapport, et M. Meyer le seconde pour ces différents travaux.

Carcasse du Magasin du Zehnthof[1]. Cette carcasse, comme la charpente, pourra être employée en effet pour des magasins ou ateliers provisoires à la reprise du travail. Il y a donc lieu de la démonter et empiler avec la charpente. Il se présente pourtant un danger : que faire des Briques du Bâtiment, briques dont nous aurons besoin. si on les laisse sur place il est à craindre qu’on ne les vole pour faire des abris de tranchées ou autres : les rentrer à la fabrique me paraît être un Bien gros travail : Qu’en pensent MM. Zwingelstein et Meyer. D’une manière générale il me paraît nécessaire de garder précieusement des Matériaux de ce genre dont nous aurons l’utilisation. Il est possible aussi que si on laisse le Bâtiment du Zehnthof tel qu’il est actuellement, les Briques soient aussi Chapardées et qu’alors mieux vaut encore démonter pour mettre au moins la Carcasse à l’abri.

Approvisionnement de Bois. Cette idée est intéressante mais il s’agit de savoir jusqu’où elle va nous mener au point de vue financier. Jusqu’à concurrence de quelle somme penserez-vous en acheter ? N’est-il pas à craindre que l’administration militaire qui a toujours et partout un besoin urgent de Bois ne nous laisse pas constituer un stock supérieur à nos besoins immédiats, ou bien ne le réquisitionne à la première occasion lorsque nous nous serons donnés du mal pour le réunir. J’attends les propositions de M. Zwingelstein à ce sujet.

J’espère que l’indisposition de M. Hochstetter n’a pas eu de suites.

Contrairement à ce qui m’avait été dit et à ce que j’avais lu dans les journaux, l’arrêt de la Cour de Cassation que je me suis procuré, relativement aux réquisitions, ne me donne pas entière satisfaction en ce sens qu’elle il ne parle pas de la valeur de remplacement. Il reconnaît toutefois que le juge a toute latitude pour apprécier la perte et qu’on doit être indemnisé la perte réelle. Dans ces conditions je désire essayer d’abord de fixer un prix de location. C’est dans ce sens qu’il faut faire fixer un prix les démarches immédiates auprès de l’administration pour la Turbine et le reste, qui n’est pas encore réglé. Il est nécessaire que cette question avance, et il faut, pièces en Mains, mettre le service compétent dans la vallée au pied du mur, pour que nous sachions, avant de nous adresser au Ministère si oui ou non il n’ y a moyen de s’entendre autrement (ce que je souhaite d’ailleurs).

Dites à Scher[2] que j’ai vu hier un [sous-lieutenant] d’artillerie ([  ] je crois) qui m’a dit être un de ses neveux, il va bien.

Quant aux sacs de Soude, la lettre du [21 8bre] prouve qu’il ne les a pas payés. Sa commission n’a pas à aller se promener sur le pont pour s’assurer que l’armée les a utilisés, et que par conséquent il y a lieu de les payer. Je ne pense pas d’ailleurs que la commission fasse des difficultés.

Je reviens à Mon voyage à Lyon. M. Hochstetter a dû vous en rendre compte et j’ajoute quelques explications.

Il faudra faire établir un nouveau pouvoir pour M. Hochstetter. Dans le Séquestre a dû remettre à Hochstetter un modèle que je ne veux pas accepter tel quel, mais qui peut servir de guide. Il faudra prier le Notaire[3] d’établir d’abord un brouillon sur papier ordinaire, p brouillon que vous me soumettrez avec le modèle Miramond[4] et que je vous retournerai ensuite. Il faudra alors sans doute faire un 2e brouillon à me soumettre encore. Ça pourra durer longtemps mais rien ne presse et Miramond attendra que nous soyons d’accord.

Il faudra indiquer dans ce pouvoir en vertu de quel article des Statuts[5] je donne pouvoir à Hochstetter, article 17 : en vertu duquel les gérants ont « seuls et chacun séparément la signature sociale et le pouvoir d’engager la Société (paragraphe 1), et suivant lequel (Paragraphe 10) les gérants ont le droit de traiter au nom de la Société et de l’obliger, qu’ils agissent conjointement ou séparément, et l’un Sans le concours de l’autre. enfin Paragraphe 6, « Ils constituent des mandataires généraux et spéciaux pour toutes les affaires de la Société et les révoquent. »

Il devra être spécifié que M. Hochstetter est dans la Mand circonstance un Mandataire spécial mandaté auprès de M. Miramond de la Roquette, [ ] séquestre de marchandises (Tissus) allemandes saisies à [Vieux-Thann] par dans l’Établissement de MM. Duméril Jaeglé et Cie et transférées à Lyon par l’autorité militaire : pour représenter les intérêts de la dite société DJC. Spécifier que les pouvoirs de M. Hochstetter lui permettent de donner quittance et décharge de sommes dont nous aurons remis facture. Spécifier que le mandat [commercial] de M. [Hochstetter], ainsi compris est fait conformément à l’article 54 du Code de Commerce allemand. Supprimer toute allusion à votre propre procuration ; supprimer toute allusion à M. Jaeglé[6] ou à M. Froissart[7] même si le séquestre le demande. Spécifier que ce mandat ne permet pas à M. Hochstetter de me représenter en matière judiciaire.

Vous m’enverrez un exemplaire de la circulaire adressée lors de ma nomination de gérant aux clients (avec modèle de ma signature (en français). V J’avais également dans mon Bureau ou dans le Portefeuille de la Société un certificat de la Chambre de commerce de Mulhouse certifiant que j’étais gérant de la Maison. Si vous avez retrouvé cette pièce (en allemand), veuillez me l’adresser.

Je voudrais aussi que vous me fassiez envoyer un Certificat de l’administration [constatant] que depuis l’occupation française les [paiements] se font dans le pays en francs et en monnaie française[8].

Enfin je désire savoir si, suivant la loi allemande, nous avons dû publier nos statuts en entier. Sinon, quelles sont les parties qui doivent être publiées suivant la loi. Quelles sont celles qui l’ont été. Je suppose que nous avons dû déposer à la Chambre de commerce les statuts intégralement mais sont-ils à la Chambre de commerce à la disposition de tout le monde. Ou bien le public ne peut-il connaître que ce qui est réellement publié.

Cette question que je vous pose vient de ce que M. Miramond émet la prétention d’avoir communication des statuts entiers. or je ne veux lui remettre que ce que la loi nous a obligés à Publier. Je veux donc savoir ce qui a dû être publié.

J’estime que Bockel n’a pas assez d’expérience des sociétés pour répondre à cette question. Je vous prie donc de vouloir bien faire de ma part une visite au Notaire Helmer[9] qui est très au courant et lui poser la question.

Demandez donc à M. Hochstetter si je lui ai remboursé la Monnaie qu’il m’a prêtée à Lyon. Si je ne l’ai pas fait, qu’il la Compte dans ses frais de voyage.

[Sans] autre pour aujourd’hui, cordialement à vous.

GP

Lorsque l’on a déménagé le Coffre-fort de mon Cabinet de Toilette, n’a-t-on pas trouvé dans une chemise un titre « Société générale des Nitrures[10] ». Vous souvenez-vous de ce qu’est devenu ce titre ?


Notes

  1. Zehnthof : maison ou grange aux dîmes.
  2. M. Schehr ? Emile Scheer ?
  3. Probablement Louis Bockel, notaire à Thann.
  4. Joseph Jean Marie Miramond de Laroquette.
  5. Voir les extraits des statuts de la Société DJC.
  6. Georges Jaeglé.
  7. Damas Froissart.
  8. Voir ce document dans « Papiers familiaux et documents divers ».
  9. Ernest Helmer, notaire à Saint-Amarin.
  10. La Société Générale des Nitures est créée en 1910 par Adrien Badin (1873-1917), directeur du groupe d'aluminium Pechiney.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 11 novembre 1917. Lettre de Guy de Place (mobilisé) à Jacques Meng (Fellering) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_11_novembre_1917&oldid=53590 (accédée le 21 novembre 2024).

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