Jeudi 8 novembre 1917
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)
8 Novembre 17
Mon cher petit Louis,
Merci, merci pour toutes les nouvelles que nous recevons de toi. Tu te figures aisément le plaisir que nous avons à voir ton écriture. Cette lettre du 5 Novembre nous est arrivée dès le 7 au soir, c’est merveilleux. Elle était accompagnée d’une lettre de Michel[1] qui est en train de te chercher. Il dit être fatigué par la boue qui lui fait faire de grands efforts à sa pauvre jambe. Nous avons aussi des nouvelles de Jacques[2] qui arrivait le 5 à Aix-en-Provence, après 71 heures de chemin de fer, ayant passé par Limoges, Toulouse, Sète. Il continue le voyage par route et paraît enchanté de refaire en camions la route de la corniche.
Ton papa[3] qui continue à se tourmenter beaucoup s’inquiète assez de voir Jacques partir là-bas, il craint que nous soyons éprouvés comme l’ont été les Italiens et voit Jacques déjà prisonnier. Heureusement qu’Élise[4] n’entrevoit pas des choses si sombres. J’admire son courage. Du moment que Jacques est content tout est bien pour elle. C’est gentil tout de même les femmes…
As-tu reçu la « Nouvelle France[5] » ? ne préjuge pas d’après ce 1er n° ni même d’après celui qui paraîtra le 15 de ce que sera cette publication. C’est un ramassis incohérent de choses de peu de valeur qui ont été imposées par les circonstances et en dehors des 5 réformés qui sont désormais à la tête de l’affaire, dont Guy. On fera mieux, beaucoup mieux, peut-être même très bien dans un avenir plus ou moins rapproché. Il ne tient d’ailleurs qu’à toi d’envoyer des articles intéressants… si le cœur t’en dit ; on ne demande qu’à recevoir des élucubrations parmi lesquelles on pourra choisir. On visera surtout à former un groupement, tant parmi les gens du front que ceux de l’arrière, surtout ceux-ci, aux idées saines qui puissent et osent faire prévaloir ces idées après la guerre, lorsqu’il y aura tant de questions à étudier et à faire aboutir. Groupement d’ailleurs qui n’aura rien de confessionnel. C’est le but lointain et qui reste confidentiel et si tu as quelques idées sur le moyen d’y atteindre, dis-les.
J’ai fait une visite à Lucie[6] sur un canapé du Bon Marché avant-hier, j’espère qu’Elise ne sera pas venue s’asseoir dessus après notre départ ! Je crois que nous poussons les précautions un peu trop loin en interdisant l’accès de l’appartement à Lucie qui ne pénètre pas dans la chambre de sa fille[7], mais la scarlatine pourrait être si grave actuellement pour Elise qu’il vaut mieux pêcher par trop de prudence.
J’aurais dû commencer par t’annoncer la naissance d’un 4e petit Tréca (Albert comme son papa[8]) et d’une 4e petite de la Chaise[9] qui a failli coûter la vie à sa mère[10].
Je t’embrasse tendrement, mon cher petit. Donne-nous souvent de tes nouvelles, nous pensons tant à toi. Cela ne t’étonne pas. Bon courage !
Emy
Je n’ai pas le temps de relire.
Notes
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis.
- ↑ Jacques Froissart, frère de Louis.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Élise Vandame (enceinte), épouse de Jacques Froissart.
- ↑ Journal auquel collabore Guy Colmet Daâge.
- ↑ Lucie Froissart, épouse de Henri Degroote.
- ↑ Geneviève Degroote.
- ↑ L’enfant d’Albert Tréca est indexé : « Tréca (Albert fils) ».
- ↑ Geneviève de La Chaise.
- ↑ Suzanne Compadre, épouse de François Marie Ladislas de La Chaise.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 8 novembre 1917. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_8_novembre_1917&oldid=58854 (accédée le 18 décembre 2024).
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