Dimanche 10 mai 1863

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Paris) à sa belle-mère Félicité Duméril (Vieux-Thann)

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Dimanche 10 Mai 63

Hôtel Bergère rue Bergère

Je vous demande chère Maman bien pardon de mon trop long silence.

Généralement le soir en rentrant je me trouve tellement fatigué & le matin dès 7 h Ruot est chez moi.

Aussi je ne veux pas laisser passer mon dimanche sans vous dire que ma santé est bonne. J’étais au jardin[1] il y a 3 jours où j’ai trouvé bonne-maman[2] toussant un peu, par suite d’un froid qu’elle a pris la veille au Jardin ; elle avait passé une nuit assez fatigante mais se sentait déjà mieux le jour que j’étais chez elle. Je vous dirai que je ne lui ai pas trouvé mauvaise mine. Tout le monde était très heureux de me voir, depuis 15 jours l’on n’avait reçu de Nouvelles ni de Morschwiller ni de vous ; de sorte que l’on agitait la question d’adresser un télégramme à Thann pour en connaître la cause.

Vous savez sans doute déjà par papa[3] ou l’oncle[4] qu’à mon arrivée ici je n’ai fait que passer <par> St Quentin où j’ai passé près de 3 jours Samedi à Lundi.

Je prolonge mon séjour encore de quelques jours les affaires sont difficiles & il est difficile d’entrer dans des maisons qui ne vous connaissent pas. Il est à peu près décidé que je resterai encore jusqu’à Jeudi Soir, je n’aurai donc le plaisir de vous embrasser que Vendredi matin ce qui est encore bien long.

Au Jardin j’ai trouvé M. Votre frère[5] qui a bonne mine ainsi que Clotilde & Paul, votre frère a le moral remonté seulement il persiste à ne sortir que fort rarement avec sa fille.

M. & Mme Auguste[6] conservent toujours leur charmante gaieté & ont été pour moi d’un gracieux dont je me souviendrais avec plaisir. Adèle ne cause pas plus, n’aime pas davantage le monde & les promenades, travaille toujours ; mais je lui ai trouvé meilleure mine. L’on ne sait encore où l’on passera l’été cette année.

L’on vous donnera probablement plus de détails du reste de la famille & des amis que je ne saurais le faire moi-même.

M. Cordier a exposé au Salon que j’ai visité plusieurs de ses œuvres entre autres le buste de l’impératrice qui est en plusieurs marbres de couleur & qui je crois est généralement admiré[7].

Pour moi je n’ai pas trouvé beaucoup de belles peintures. Cette année les batailles abondent & je ne sais admirer ces horreurs.

L’Exposition des chiens est belle elle attire beaucoup de monde au jardin d’acclimatation[8].

Mais toutes ces belles choses ne peuvent me faire oublier qu’il y a 15 jours que je n’ai embrassé mes enfants[9], qui de toutes les jouissances est la seule réelle. Si je ne savais me dire que je travaille pour elles il m’eut été impossible de rester si longtemps loin d’elles quoique l’oncle a toujours grand soin de me donner les nouvelles.

Je vous embrasse de tout cœur chère Maman & suis votre fils

Charles Mertzdorff


Notes

  1. Le Jardin des plantes (Paris) où habitent les Duméril.
  2. Alexandrine Cumont, veuve d’Auguste Duméril l’aîné, mère de Félicité.
  3. Louis Daniel Constant Duméril, époux de Félicité.
  4. Georges Heuchel.
  5. Charles Auguste Duméril, veuf d’Alexandrine Brémontier et père de Clotilde et Paul.
  6. Eugénie Duméril (sœur de Félicité) et son époux Auguste Duméril, parents d’Adèle.
  7. Charles Cordier expose au Salon en mai-juin la statue d’Amphitrite, les bustes de la Juive d’Alger et de l’Impératrice Eugénie ; contrairement à l’impression de Charles Mertzdorff, la juxtaposition des marbres de couleur et du visage blanc de l’impératrice surprend et l’œuvre ne trouve pas d’acquéreur.
  8. La Société Impériale d'Acclimatation organise pour la première fois, du 3 au 10 mai 1863, une exposition canine au jardin d'Acclimatation du Bois de Boulogne ; 850 chiens sont rassemblés. Le directeur de l'Exposition, Albert Geoffroy Saint-Hilaire, précise : « Ce n'était pas un spectacle de curiosité, encore moins un marché qu'on se proposait d'ouvrir. On voulait, sous un point de vue autant scientifique que pratique, réunir une collection de chiens aussi complète que possible, afin de distinguer les races pures, utiles, ou d'agrément, et les croisements bons à conserver. »
  9. Marie et Emilie Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 10 mai 1863. Lettre de Charles Mertzdorff (Paris) à sa belle-mère Félicité Duméril (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_10_mai_1863&oldid=39289 (accédée le 24 avril 2024).

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