1860 - Paroles prononcées le 16 août 1860 par M. le Docteur Laboulbène sur la tombe de M. Duméril

De Une correspondance familiale

Messieurs,

Après les éloquents témoignages de regret que vous venez d’entendre, permettez-moi d’apporter à celui que nous pleurons tous l’expression de l’affliction la plus vive, au nom de la Société entomologique de France, dont il était le président honoraire et vénéré.

Pendant le cours de sa longue existence si noblement et si bien remplie par le professorat et par les publications les plus importantes sur les sciences naturelles, M. Constant Duméril eut toujours pour l’entomologie une grande prédilection ; il étudia avec une admirable sagacité l’organisation et les mœurs des insectes, il les distribua en familles naturelles, comme Latreille, et, le premier, il leur donna des noms particuliers. Le Tableau synoptique de la classification des insectes en familles naturelles, qui a été imprimé en 1800, commença la carrière scientifique de M. Duméril ; l’Entomologie analytique ou l’Histoire naturelle générale des insectes, publiée il y a quelques mois à peine, vient de la terminer. Dans l’intervalle qui sépare ces deux ouvrages, c’est-à-dire pendant plus d’un demi-siècle, M. Duméril s’est associé à tout le mouvement scientifique de notre époque et parfois il l’a dirigé ; il a fondé la plus belle collection de reptiles vivants et le plus beau musée erpétologique qui soit au monde. Médecin, il a payé sa dette de dévouement aux malheureux et il a instruit une longue suite de générations médicales.

Pour nous, Messieurs, que les liens d’une affection respectueuse et presque filiale attachaient à M. Duméril, ce n’étaient pas l’éclat de sa juste renommée, ni son titre de doyen de l’Institut de France, qui nous le faisaient surtout chérir et vénérer. Au milieu de nous, il avait déposé la toge professorale ; il n’avait voulu d’autre autorité que sa belle couronne de cheveux blancs.

Et en effet, Messieurs, le professeur du Muséum et de la Faculté de Médecine, le membre de l’Institut et de toutes les académies de l’Europe savante, n’a manqué aux réunions d’une société qu’il aimait que lorsque ses forces ont trahi sa volonté. Entouré de nos respects, l’ami de cœur de Cuvier, de Latreille et de Léon Dufour, a pris une part active à tous les travaux de la Société entomologique de France ; il y apportait, il y a peu de jours encore, cette ardeur et cet amour constant de la science qui ne l’ont jamais abandonné ; il nous témoignait une bienveillance que notre reconnaissance a pu seule égaler.

Son souvenir vivra dans nos cœurs ! Il nous a légué le plus bel exemple d’une existence tout entière consacrée à la science, car il l’a aimée, il lui est resté fidèle jusqu’au dernier jour.

Au nom de la Société entomologique de France, je viens apporter sur votre tombe, vénéré maître et vénéré président honoraire, l’hommage de notre profonde douleur et notre suprême adieu !

Notice bibliographique

D’après l’original : Bibliothèque inter-universitaire de Pharmacie, cote 22938 (Rignoux, imp. de la Faculté de Médecine, 1860). Le fascicule comprend aussi les discours de Cruveilhier et de Piorry, suivis de la notice de Dunoyer.


Pour citer cette page

« 1860 - Paroles prononcées le 16 août 1860 par M. le Docteur Laboulbène sur la tombe de M. Duméril », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), URI: https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=1860_-_Paroles_prononc%C3%A9es_le_16_ao%C3%BBt_1860_par_M._le_Docteur_Laboulb%C3%A8ne_sur_la_tombe_de_M._Dum%C3%A9ril&oldid=58142 (accédée le 2 décembre 2024).

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