Vendredi 9 juin 1882
Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
9 Juin 1882[1].
Je voulais t’écrire hier, mon papa chéri, mais cela m’a été totalement impossible. Nous avions rendez-vous avec Mlle Magdeleine[2] à midi ½ au salon pour voir la salle d’architecture et le musée des arts décoratifs qui se trouve également au palais de l’industrie. Mais comme ni oncle ni tante[3] n’avaient encore vu les tableaux nous sommes partis à 10h pour faire une petite revue avant l’heure du rendez-vous. La séance a été fort longue car il était presque 4h quand nous sommes sorties ; la pluie tombait à torrents, nous avons cependant courageusement été chez Mme P. Target[4] puisque nous étions à sa porte et qu’elle part dans quelques jours. Quand nous sommes rentrées, Jeanne[5] est arrivée puis M. Marquerie[6] et nous avons pris notre leçon à la maison hélas ! Tu vois si la journée a été bien remplie.
Celle de Mercredi l’avait été tout autant et d’une manière fort amusante. Après ma leçon de chant[7] j’ai été chez M. Flandrin[8] où nous avons une italienne charmante, puis chez Mme Foussé[9] qui n’avait pas pu nous donner la leçon à midi ½ ayant le mariage d’un de ses cousins. Notre leçon a été extraordinairement gaie ; je prétendais que c’était parce que Mme Foussé, Henriette[10] et Marguerite[11] avaient été à la noce, mais on m’a fait remarquer que c’était moi la plus folle ; le fait est que je n’ai pas arrêté de dire des bêtises, en anglais, c’est permis. Je n’avais pourtant pas été à la noce. Le soir a été le moment le plus amusant. Marcel et Marie[12] sont venus dîner avec M. et Mme Grandidier, Gilberte et Guillaume[13]. La première est la plus drôle petite fille de 5 ans que l’on puisse imaginer, vive, bavarde, sans cesse en mouvement des jambes et de la langue. Guillaume au contraire qui a 9 ans est un jeune homme posé, aussi blond que sa sœur est brune, remarquablement joli tandis que Gilberte ne l’est pas encore mais je crois qu’elle embellira beaucoup. Il a fait très beau le soir aussi avons-nous pu aller dans la ménagerie. Gilberte était complètement folle de plaisir, elle n’a pas cessé de courir après Crabe[14] et de l’appeler, il n’y avait pas de grillage par-dessus lequel elle ne voulût passer. En rentrant je leur ai montré des images dans l’espoir que cela calmerait un peu Gilberte, mais elle était complètement lancée et me faisait rire à tout instant par ses saillies. Elle est vraiment trop drôle, je crois que Jeanne[15] sera un peu de cette espèce-là.
J’ai vu ce matin bonne-maman[16] qui commence à s’inquiéter un peu de ne pas recevoir de nouvelles ; je crois décidément que tous les encriers de Vieux-Thann sont à sec car les lettres deviennent singulièrement rares. J’espérais qu’après la bonne lettre de tante[17] tu allais au moins lui répondre que tu étais content et que tu approuvais sa proposition, mais non, rien du tout, l’encrier est complètement à sec !
Si je ne te parle pas des santés c’est qu’elles sont toutes bonnes. Sur ce je t’embrasse bien tendrement.
Émilie
On m’a dit que Suzanne Scheurer[18] allait se marier, en parle-t-on à Thann ? Qu’a donc M. Rich[19] ?
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Mlle Magdelaine, professeur de beaux-arts.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
- ↑ Victorine Duvergier de Hauranne, épouse de Paul Louis Target.
- ↑ Jeanne Buffet ?
- ↑ Gustave Lucien Marquerie, professeur de dessin.
- ↑ Leçon de chant avec Pauline Roger.
- ↑ Paul Flandrin, professeur de dessin.
- ↑ Céline Silvestre de Sacy, épouse de Frédéric Foussé, professeur d'anglais.
- ↑ Henriette Baudrillart ?
- ↑ Marguerite Audouin ?
- ↑ Marcel de Fréville et son épouse Marie Mertzdorff, sœur d’Émilie.
- ↑ Alfred Grandidier, son épouse Jeanne Louise Marie Vergé et leurs enfants.
- ↑ Crabe, ou Krabe, chien d'Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jeanne de Fréville.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril ; sa belle-fille est sur le point d'accoucher.
- ↑ Une lettre non conservée d'Aglaé Desnoyers-Milne-Edwards qui parlait d'un séjour à Vieux-Thann.
- ↑ Suzanne Scheurer-Kestner va épouser Gustave Gobron.
- ↑ Paul Henri Rich.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Vendredi 9 juin 1882. Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_9_juin_1882&oldid=41244 (accédée le 21 novembre 2024).
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