Vendredi 8 novembre 1918
Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)
8 Novembre 18
Mon cher Louis,
Nous n’avons encore aucune nouvelle de toi, j’aime à me persuader que c’est bon signe…
Depuis mon petit mot pressé de Lundi, nous avons continué à vivre dans le tourbillon des continuelles allées et venues. De plus Henri[1] s’est cru pris de la grippe dans la nuit de Mardi à Mercredi et nous a quelque peu affolés parce que, n’étant pas très sûrs de notre thermomètre, les 36°7 qu’il marquait obstinément malgré l’affirmation d’Henri qui croyait plutôt devoir le faire monter à 40°, nous n’osions nous y fier absolument. La confirmation de 2 autres thermomètres le matin et l’assurance du Dr Grenier nous ont pleinement rassurés tous (Henri inclusivement) et il a pu partir hier Jeudi avec sa sœur[2] pour Bordeaux.
Les Parenty de Lille[3] sont revenus et ont dîné ici Mercredi soir avec les Solente[4] (pas trop [pénible]). La cousine Mi a maigri de 35 kilos cela se voit à l’œil nu. Le cousin est assez semblable à lui-même.
Michel[5] est allé aujourd’hui avec ton père[6] voir le fibrociment, Michel ayant l’idée de pouvoir peut-être y trouver un débouché pour lui. Le pauvre garçon a perdu le petit espoir qu’il entretenait encore presque à son insu au fond du cœur. M. l’Abbé[7] a été chargé de lui remettre la bague et de lui confirmer que la rupture est complète[8]. Il est vraiment bien courageux et fait mon admiration car il souffre beaucoup.
Les affaires de Pierre[9] paraissent bien se dessiner : Guy[10] le prend très au sérieux. Il lui a proposé un stage de 4 à 5 ans avant d’être gérant et lui ferait passer quelques mois la première année dans un tissage à Mulhouse. Tout cela convient à Pierre. Nous avons fait faire à M. Daum[11] la connaissance de Guy. Son impression est bonne et je crois qu’il encourage Pierre à accepter la situation tout en regrettant qu’il n’ait pas le temps d’augmenter son bagage de connaissances générales en suivant par exemple des cours aux Sciences Po.
Laure[12] a passé 8 jours à Paris, nous l’avons vue plusieurs fois, hier je suis allée avec elle au cimetière à Versailles où les tombes continuent à s’aligner d’une manière désolante !
Mercredi nous avons eu l’enterrement de Daniel[13]. Je ne sais si Georges[14] a pu venir depuis sa mère était dans l’attente un peu anxieuse de son arrivée.
Donne-nous de tes nouvelles, mon cher petit. Je t’embrasse très tendrement.
Emy
Notes
- ↑ Possiblement Henri Degroote.
- ↑ Sœur de Henri Degroote : Jeanne Marthe Degroote, épouse d’Emile Lesaffre.
- ↑ Henri Parenty et son épouse Madeleine Decoster.
- ↑ Paul Victor Solente et son épouse Jeanne Marie Thérèse Parenty.
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ L’abbé Marcel Pératé.
- ↑ Episode des relations de Michel Froissart avec sa future épouse Madeleine Peignot.
- ↑ Pierre Froissart, frère de Louis.
- ↑ Guy de Place, associé à l’usine fondée par Charles Mertzdorff à Vieux-Thann.
- ↑ Antonin Daum, futur beau-père de Pierre Froissart.
- ↑ Laure Froissart, veuve de Jules Legentil.
- ↑ Daniel Dumas.
- ↑ Georges Dumas, fils de Marthe Pavet de Courteille et Jean Dumas (†).
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 8 novembre 1918. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_8_novembre_1918&oldid=53812 (accédée le 21 novembre 2024).
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