Vendredi 6 octobre 1916 (B)

De Une correspondance familiale



Lettre de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne)


original de la lettre 1916-10-06B pages 1-4.jpg original de la lettre 1916-10-06B pages 2-3.jpg


Paris 6 Octobre, 16[1]

Mon cher Louis,

Jeanne[2], qui va aller à Saint-Cloud[3], m’apporte ta lettre d’avant-hier à ta mère[4].

Je vois que tes entrailles iraient tout à fait bien si tu étais sûr que la lettre recommandée que tu nous [as] envoyée (ou plus exactement la lettre de ta mère avec ton accusé de réception que tu m’as envoyée recommandée) est bien arrivée : Elle l’est et elle porte maintenant la mention de l’Enregistrement (comme [sa sœur] qui l’a précédée et que j’ai reçue à Wimereux[5] il y a 3 semaines).

Tu as donc un titre qui t’attend et si tu lis les journaux, tu dois voir que depuis qu’il est enregistré, on ne parle que des « Réparations » que la France entière doit aux gens qui ont souffert, comme toi, des Dommages de Guerre : Il était temps d’enregistrer : autrement on aurait dit que ça valait plus de 5% de la valeur primitive.

La loi qu’on discute est plutôt faite pour les Dommages subis en France, mais J’ai vu dans un journal qu’il a été dit qu’il allait de soi que ça s’appliquerait à l’Alsace. Pourvu qu’on n’aille pas, un de ces jours, prétendre que tu fais un trop bon marché !

J’ai fait un crochet très pénible ayant dû attendre tout le jour le commandant Maure absent, à Ancenis et ayant voulu rentrer de nuit et circuler le lendemain toute la journée : visite aux Perrodon Bellevue, caporal Dagens à Meudon, [Mme Valais] à Issy. C’était plus que ma ration

J’ai à peine fini de supporter les conséquences de ce petit excès qui a suscité des douleurs rhumatismales dans l’épaule et un bras gauche, lesquelles me rendent la toux extrêmement pénible (et j’étais un peu enrhumé).

Mon voyage à Ancenis m’a fait avoir [certaine] [  ] [utile]

[  ], avec la mère, les 2 grandes malades Mmes Duméril[6] et Dumas[7]. J’ai eu l’impression que pour cette dernière surtout, il n’y avait pas à prévoir un événement fatal trop prochainement, tellement la tête et la figure sont restées les mêmes. Mais je ne suis pas médecin ! [Ce soir] la sœur[8] augure mal de Madame Duméril dont l’état de congestion pulmonaire augmente sans qu’elle souffre beaucoup. Je ne sais rien de très précis de Mme Dumas [ ] qu’elle occupe, à la clinique le lit où j’ai vu le pauvre Target[9].

Jacques[10] va très bien et est très content. Il n’a pas, jusqu’ici, rencontré Pierre[11]. 2 cousins germains d’Élise[12] viennent d’être tués[13], dont un père de 3 enfants, [à côté] de Jules Legentil qui s’en est tiré et doit être au repos.

Amitiés, D. Froissart

Bonnes nouvelles de Lucie[14] qui attendait Henri bientôt et n’ayant plus besoin de l’auto la renvoie à Brunehautpré. Madeleine[15] rentre à Paris lundi.

Tout en comprenant ton désir de rejoindre la classe 15 sur le front, je t’engage à surveiller de plus en plus ton intestin avant de gagner les [toits] qui devront t’abriter là-bas parmi lesquels il y aura parfois la calotte des cieux.


Notes

  1. Lettre sur papier-deuil.
  2. Jeanne Veillet, femme de chambre chez les Froissart.
  3. Saint-Cloud où a séjourné Elise Vandame-Froissart, secondée par sa belle-mère.
  4. Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart.
  5. Wimereux où séjourne Lucie Froissart-Degroote.
  6. Marie Stackler, veuve de Léon Duméril.
  7. Cécile Milne-Edwards, veuve de Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  8. Possiblement sœur Sébastienne.
  9. Louis Target († 1915).
  10. Jacques Froissart, frère de Louis.
  11. Pierre Froissart, frère de Louis.
  12. Élise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
  13. Henri Vandame, père de trois enfants, et Pierre Vandewynckele.
  14. Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote.
  15. Madeleine Froissart, épouse de Guy Colmet Daâge.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 6 octobre 1916 (B). Lettre de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_6_octobre_1916_(B)&oldid=56456 (accédée le 27 avril 2024).

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