Vendredi 31 mars 1882

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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31 Mars 82[1]

Mon cher papa,

Je suis toute confuse de ma paresse, je ferais mieux de dire de mon étourderie : je voulais t’écrire hier, mais en me ramenant de la Sorbonne, bonne-maman[2] a fait une petite visite à tante[3], j’ai voulu en profiter aussi, pensant que je t’écrirais après son départ ; mais à ce moment-là oncle est arrivé, enfin quand j’ai regardé la pendule, il était 5h passées, trop tard par conséquent pour écrire, aussi ce matin je commence par là pour être bien sûre que ce sera fait.

Pauvre tante a été bien fatiguée hier, elle ne sait pas pourquoi ; elle n’est pas sortie du tout et a même passé toute sa journée étendue dans un fauteuil. Que c’est ennuyeux de la voir reprise si facilement ! Je ne l’ai pas encore vue ce matin mais je l’entends faire sa toilette ce qui est bon signe.

Hier matin nous avons eu deux bonnes lettres de Mme Dumas et de Jean[4]. On avait déjà eu une dépêche Lundi, puis une autre Mardi demandant qu’on fasse partir tout de suite la cuisinière ; une lettre suivait, expliquant que les hôtels étaient bourrés de monde, surtout d’allemands et que tante C. avait fini par louer une petite villa au grand bonheur de Jean. Te rappelles-tu ces 21 petites villas sur un promontoire du bout de Clarens, du côté opposé à Montreux. Nous les avions remarquées, en allant à Vevey par eau, pour leur architecture bizarre et de mauvais goût. C’est la plus petite des villas Dubochet que tante C. a louée. Il neigeait le jour de leur arrivée et ils ont eu un moment de découragement, mais Jean est ravi de la nouvelle organisation et il m’écrit qu’il a déjà pêché mais qu’il n’a attrapé qu’un poisson et un coup de soleil, ce dernier mot me fait supposer que la neige fond.

J’ai été voir H. Berger[5] Mercredi, elle fait plaisir à voir, je ne lui ai jamais vu une figure aussi épanouie. Je lui ai fait ta commission ; il paraît qu’elle n’a encore rien reçu : alors je lui ai proposé des couteaux d’argent croyant que c’était dans les prix que tu veux y mettre, cela a paru lui faire grand plaisir. Tante dit que c’est un cadeau de 120 F. Est-ce assez ou faut-il y ajouter les couteaux à dessert ce qui ferait en tout de 190 à 200.

Adieu mon papa chéri, je t’embrasse de tout mon cœur. Est-ce bien vrai que tu viendras dans 8 jours ? comme je serais contente de pouvoir y compter sûrement. Que tu seras heureux de constater les progrès de ta petite-fille[6], elle devient réellement trop drôle.

Émilie

Mme Audouin la mère[7] a une fluxion de poitrine et on dit qu’elle est au plus mal.


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  3. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards (« oncle »).
  4. Cécile Milne-Edwards, épouse d'Ernest Charles Jean Baptiste Dumas, et mère de Jean Dumas.
  5. Hélène Berger, qui vient d'épouser Émile Poinsot.
  6. Jeanne de Fréville.
  7. Mathilde Brongniart, veuve de Jean Victor Audouin.   

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Vendredi 31 mars 1882. Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_31_mars_1882&oldid=36028 (accédée le 3 octobre 2024).

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