Lundi 27 mars 1882 (B)

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)


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Lundi 27 Mars 82.[1]

Ma chère Marie

J’étais très heureux Samedi de lire ta bonne lettre qui me dit que vous allez tous bien. J’y vois avec plaisir que je ne suis pas le seul à faire des économies & faire des placements & comme tu dis bien à force d’en faire de petits ils finissent par grossir & c’est aussi ainsi que j’ai fait ; car il n’y a pas si longtemps que j’ai pu commencer à faire des économies, il m’a fallu d’abord jusqu’en 52/53 terminer à payer l’oncle Mertzdorff[2] ; puis après ma sœur[3] ce qui m’a pris près de 10 ans & ce n’est que depuis que j’ai réellement su commencer pour moi & cela m’a bien mieux réussi que je n’espérais jamais le penser. Seulement ne faut-il pas vouloir aller trop vite comme le font bien des personnes.

Les bons placements sont toujours difficiles à trouver car il y a trop de personnes qui les cherchent.

Je vous adresse un gros chèque de 8 M F puisque Marcel[4] a à aller chez Offroy[5] c’est pour lui même peine à encaisser quelques mille francs de plus. & comme dans 8 jours je serai tout prêt à aller vous trouver je les trouverai chez vous, j’aurai besoin de quelques mille francs. Vous disposerez pour vous de 1 500 à 2 000 F comme vous l’entendrez & le reste m’attendra dans votre grosse caisse.

Que je me réjouis de voir trotter Jeannette[6] dans le jardin & la chambre, comme nous allons faire des parties à nous deux. En fait de Jardin ne vois-tu rien que je puisse te porter d’ici, en fait de petites plantes, car je prendrai ma malle avec moi voulant porter à Émilie[7] les quelques classiques allemands qu’elle aurait plaisir à avoir. C’est une petite édition que je destinais à la bibliothèque du village si jamais j’en fais une, ce dont je commence à douter car il me faudrait commencer par faire faire un local & pour le moment je suis au repos, en fait de nouvelles constructions, il faut d’abord digérer ce qui est commencé.

Mes vieilles filles dans ma maison Guth[8] se conduisent admirablement & cela ne coûte pas trop cher pour le moment de sorte que l’on peut avec le temps étendre un peu son action. Pour le moment elles sont heureuses à donner envie à trop de postulantes, elles sont très unies, travaillent ce qu’elles peuvent & s’entraident à plaisir.

Aujourd’hui entre à l’hôpital le premier homme malade, c’est mon malheureux manchot qui a perdu son bras un malheureux Lundi où il avait un peu trop bu. Nous avons fait vider la petite maison dans la ruelle qui va à l’Église (Kirchgässlein) tu la connais bien pour passer à côté chaque fois que tu vas à l’église elle est tout à côté du Jardin de l’hôpital. Il déménageait chez lui, il tombe si malheureusement qui se casse des côtes. il est veuf, un bras, une jeune fille de 12 ans insuffisante & c’était le cas de lui donner son entrée à l’hôpital. Sa fille restera chez une tante.

Il fait toujours un temps affreux cependant jusqu’à présent le froid n’a pas fait de mal & la pluie était bien désirée par les paysans ; ne nous plaignons donc pas. Les arbres promettent beaucoup ainsi que la vigne ; mais une heure de gelée peut tout détruire & c’est là ma crainte. il me semble difficile de l’éviter !

Tout le monde ici va bien ; Mme Stackler[9] est rentrée hier au soir, Marie Léon[10] est toujours de même ne va pas trop mal, Hélène[11] très bien, elle a beaucoup d’entrain & n’est, à ce qui me semble moins nerveuse & par conséquent moins volontaire.

Jeudi l’on va commencer l’inventaire c'est à dire prendre les existants de toutes les drogues, marchandises etc. qui sont dans les différents magasins, & comme cela se fait avec le travail journalier que l’on ne peut laisser chômer, cela se fait peu à peu, je ne sera là que pour le plus gros & nos magasins sont bien garnis. Ce n’est que 6 semaines après que les comptes sont assez avancés pour procéder à la finale & connaître le résultat de l’année. Que je ne veux préjuger devant des intéressés de crainte de me tromper.

Mes meilleurs amitiés à Marcel & pour toi mes meilleurs baisers de ton père

ChsMff


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Frédéric Mertzdorff.
  3. Émilie Mertzdorff (†), épouse d'Edgar Zaepffel.
  4. Marcel de Fréville.
  5. Les banquiers parisiens Offroy.
  6. Jeanne de Fréville.
  7. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  8. La maison Guth, où Charles Mertzdorff a installé un hospice.
  9. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
  10. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  11. Hélène Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Lundi 27 mars 1882 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_27_mars_1882_(B)&oldid=41223 (accédée le 21 novembre 2024).

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