Début avril 1882

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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Mon cher Papa[1],

Quelle bonne journée nous passons aujourd’hui, je regrette bien que tu ne puisses pas en jouir avec nous. Marie[2] est arrivée ici à 2h avec sa fille[3] et elle il en est 5 et elle vient seulement de partir. Jeanne a été tout à fait gentille ; elle a donné du sucre à Crabe[4] et à chaque morceau elle entrait dans un nouvel accès de joie ; ensuite elle a regardé longtemps par la fenêtre ouverte enfin Nounou[5] et moi nous l’avons promenée dans le jardin et tout à l’heure en s’en allant elle a très bien dit « tante », tu comprends si cela a été au cœur de celles qui portent ce titre[6]. Elle fait vraiment bien des progrès et quoiqu’elle ne parle pas encore, elle comprend tout ce qu’on lui dit. Nounou dit que quand on lui dit : Où est bon-papa[7] ? elle regarde et montre tout de suite ton portrait dans la chambre de sa maman. Marie n’y croyait pas beaucoup et elle a été toute stupéfaite l’autre jour de le lui voir faire.

Je t’avais dit dans ma dernière lettre que la pauvre Mme Audouin[8] était bien malade, cependant je ne me doutais pas qu’au moment où je t’écrivais cela elle n’avait plus que quelques heures à vivre. Elle est morte Vendredi matin ; tante Louise[9] venait d’arriver et elle y a passé toute la journée et même la nuit, aussi Marthe[10] est-elle restée avec nous. Hier oncle[11] et moi nous avons été à Bellevue, ces pauvres gens sont bien malheureux et cette mort va leur faire un vide affreux, c’était Mme Audouin qui s’occupait complètement de ses petites-filles[12], qui les amenait tous les jours à Paris. Samedi elle y est encore venue avec Rachel ; Lundi même elle est sortie avec elle, Mardi elle a commencé à être souffrante, mais sans donner d’inquiétude et quand M. Dewulf[13] y est arrivé le Mercredi soir, il a jugé qu’il n’y avait plus aucun espoir. C’est une fluxion de poitrine qui l’a enlevée si rapidement.

Marcel et Marie sont venir dîner ce soir parce que Marcel devant suivre les sermons de Notre-Dame la semaine prochaine aura toutes ses soirées prises.

Adieu père chéri, il est tard, je n’ai que le temps de t’embrasser.

Tante est encore bien fatiguée et elle ne sort pas, elle dit cependant qu’elle [va] mieux. Oncle est horriblement enrhumé.


Notes

  1. Lettre sur papier deuil, non datée, à situer début avril.
  2. Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville et sœur d’Émilie.
  3. Jeanne de Fréville.
  4. Crabe, ou Krabe, chien d'Alphonse Milne-Edwards.
  5. Nounou probablement prénommée Marie.
  6. Émilie Mertzdorff et Aglaé Desnoyers-Milne-Edwards.
  7. Charles Mertzdorff.
  8. Mathilde Brongniart, veuve de Jean Victor Audouin.
  9. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  10. Marthe Pavet de Courteille.
  11. Alphonse Milne-Edwards.
  12. Rachel et Mathilde Silvestre de Sacy.
  13. Le docteur Louis Joseph Auguste Dewulf.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Début avril 1882. Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=D%C3%A9but_avril_1882&oldid=52303 (accédée le 29 mars 2024).

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