Vendredi 29 septembre 1871

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Nogent-le-Rotrou-Launay)


original de la lettre 1871-09-29 pages 1-4.jpg original de la lettre 1871-09-29 pages 2-3.jpg


Vieux-Thann[1]

29 Septembre

10h

Chère petite Gla,

Maman[2] reçoit ta bonne lettre écrite Mercredi, elle nous fait à tous grand plaisir. Celle que tu as adressée à Emilie[3] deux jours plus tôt a eu le même succès. Chacun de jouir en écoutant les récits de la chère petite Tante, on se croit à Launay auprès de vous et personne ne s'en plaint.

Je veux commencer par m'adresser à Alphonse[4] pour le remercier particulièrement de tous les soins qu'il a su mettre dans son administration, c'est réellement l'intendant fidèle de l'Évangile qu'on voudrait pouvoir récompenser au centuple ; comme de telles choses sont au-dessus de notre faiblesse, je me contenterai de lui dire qu'il nous a fait grand plaisir en ne craignant pas de diriger des réparations fort ennuyeuses et gênantes, en faisant vérifier les plafonds et les parties faibles & Enfin que votre présence à Launay aura été un bienfait puisque le coucou y aura gagné de retrouver sa voix, et les souris auront eu bonne guerre, sans compter les rangements de livres &&

Pour le paiement des notes de réparations faites en votre présence, emploie l'argent de la Croix[5] et pour ce qui pourrait te manquer entends-toi avec Michel[6].

Nous ne pouvons qu'approuver Alphonse de ne pas donner suite à l'achat du terrain au-dessous de l'ajoupa, car dans ces conditions, il n'y aurait plus moyen de ne rien acheter aux environs de Launay qu'à prix d'or, chacun voudrait profiter de votre caprice.

Voici le beau temps revenu, j'espère qu'il en est de même chez vous. Mercredi Charles[7] avait à faire à la douane à Urbès (tout devient difficulté) et j'en ai profité pour emmener papa et maman[8] faire une jolie promenade ; les fillettes[9] sont restées à la maison à cause de leur leçon de musique et heureusement que les amies Berger[10] sont venues leur tenir compagnie, ce qui a consolé de notre absence.

Donc à 1h nous montions tous 4 en voiture et nous dirigions dans la vallée de Wesserling nous arrêtant au dernier village avant le col de Bussang. Là nous avons fait voir à papa des cascades dignes de la Suisse dans une propriété particulière, je me réjouis de vous y mener. Aujourd'hui j'espère profiter du soleil pour faire encore un tour avec papa et maman dans le fond de la vallée de Steinbach. Tu devines bien qu'en nous retrouvant dans tous ces endroits où nous sommes allés avec notre Julien[11], où il a ri souvent de si bon cœur, nous sommes souvent émus, il ne peut pas en être autrement, et ce sera comme cela jusqu'à la fin, son souvenir est si doux et si poignant...

Maman continue à travailler avec succès à sa petite bande, sa santé se soutient. On parle de nous quitter Mercredi ou Jeudi au plus tard, je n'insiste pas pour leur faire prolonger leur séjour, malgré mon désir de les conserver ; tu rentreras à peu près le même jour et maman pourra encore continuer à s'occuper de Montmorency avant la mauvaise saison ; pour papa il tient à rentrer à la bibliothèque.

Voici quelques jours que nous n'avons pas reçu de nouvelles d'Alfred[12], il paraissait très content dans l'appartement, je ne sais s'il viendra.

Petit Jean[13] est bien drôle dans sa déclaration à Emilie ; maman trouve qu'il a très bon goût, car sa petite Emilie est aussi son petit chouchou. Marie est un peu agacée du départ de ses amies ; bien gentille, mais elle juge chacun, tandis que pour Emilie tout est toujours bien. Les pauvres chéries vont être bien seules, et Charles est toujours si occupé que je ne puis presque pas prévoir la possibilité de voyager à Paris, car ce sont de nouvelles organisations à faire.

Adieu, Ma Gla chérie, Je remettrai à maman les patrons d'Emilie pour les petites Pavet[14]. J'ai écrit hier à ces dames[15].

Je t'embrasse comme je t'aime, maman en fait autant, Charles et les fillettes ne veulent pas être oubliés auprès de toi, ni auprès d'Alphonse. Mille amitiés

Eugénie M


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  3. La petite Emilie Mertzdorff.
  4. Alphonse Milne-Edwards.
  5. la Croix est un bordage (une ferme).
  6. Louis Michel Pieaux.
  7. Charles Mertzdorff.
  8. Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
  9. Marie et Emilie Mertzdorff.
  10. Marie et Hélène Berger.
  11. Julien Desnoyers (†).
  12. Alfred Desnoyers.
  13. Jean Dumas.
  14. Jeanne et Marthe Pavet de Courteille.
  15. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille (mère de Jeanne et Marthe) et Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas (mère de Jean), qui séjournent à Launay avec leurs enfants.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 29 septembre 1871. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Nogent-le-Rotrou-Launay) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_29_septembre_1871&oldid=54508 (accédée le 14 novembre 2024).

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