Samedi 30 septembre 1871
Lettre d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Nogent-le-Rotrou-Launay) à Marie Mertzdorff (Vieux-Thann)
Samedi 30 Septembre[1]
Ma chère petite Marie,
Je ne sais plus quelle est celle de nous deux qui a écrit la dernière ; et je me demande si je dois te remercier ou te gronder ; dans l'incertitude je ne fais ni l'un ni l'autre et me borne à t'embrasser le plus tendrement que je le puis.
Tu ne saurais croire ma bonne chérie comme vous me manquez toutes deux[2] à Launay, j'ai pris l'habitude de vous y voir chaque fois que j'y suis venue aussi le vide se fait-il sentir. Ce ne sont cependant pas les enfants qui manquent, mais si je ne craignais de vous donner trop d'amour-propre je vous dirais à toutes deux que votre exemple serait bien bon au petit troupeau qui nous entoure ; on aime pas beaucoup à travailler ; Marthe[3] met 3 fois le temps nécessaire pour faire ses devoirs, elle ne vient pas de suite lorsqu'on l'appelle, elle marche dans les gazons lorsqu'ils sont humides, elle fait ses ourlets avec de grands points, enfin elle se rend coupable de beaucoup de petites fautes sans cependant être méchante ; je crois qu'avec le bon exemple de mes deux chéries elle deviendrait une bonne petite fille.
Jean[4] entre en chantant « J'ai un bon point, maman[5] est contente j'ai gagné la plume d'or. » Voila ce que c'est. Bon-papa[6] a rapporté trois plumes d'or (ou à peu près) de son voyage d'Angleterre et les a promises aux trois enfants qui seraient sages à leurs leçons pendant 8 jours. C'est bien long 8 jours, aussi la plume a-t-elle été presque gagnée puis reperdue bien des fois. Jeanne[7] a obtenu la sienne hier, mais elle n'a pas voulu la recevoir avant son ami Jean. Te voici au courant de cette grande histoire.
Le grand travail dont tu as certainement entendu parler est terminé ; une affiche sur la porte indique que l'entrée n'en n'est plus interdite. Dis à ta maman[8] qu'il a fallu mettre un siège neuf, 25 francs, parce que celui qui y était était pourri et que le menuisier a prétendu qu'il était dangereux. Peut-être a-t-il exagéré mais nous avons pensé qu'il fallait mieux ne pas prendre une telle responsabilité.
Mes chères petites amies je vous assure que je pense bien au chagrin que doit vous causer les départs des petites Berger[9] ; elles étaient pour vous d'aimables compagnes de jeu et de couture aussi leur absence vous fera certainement un grand vide.
J'ai reçu hier Vendredi la lettre de bonne-maman[10] et celle de Mère de Mardi[11] je les en remercie car je les attendais avec impatience, il me semble toujours qu'il y a longtemps que je n'ai entendu parler de vous.
Oncle Alphonse[12] est parti hier à 8h du soir et revient aujourd'hui à 5h ; il était allé à Paris pour donner une signature utile. Nous quittons Launay Jeudi avec Mme Pavet[13]. Après-demain Lundi Mme Dumas et bonne-maman[14] retournent au jardin, Noël[15] rentrant en classe Mardi.
Adieu mes bonnes petites Chéries, je vous embrasse bien tendrement et vous charge de toutes mes amitiés pour votre cher entourage
Tante amie
AME
Les charpentiers sont venus et vont avoir fini le travail qu'ils avaient à faire ; on a aussi remis quelques ardoises.
Les maçons sont dans la maison occupés à consolider les carreaux qui étaient presque tous détachés, puis ils boucheront des trous de souris ; arrangeront une cheminée que les prussiens ont cassée au devant. Puis ce sera fini.
Le serrurier vient de monter demander un peu d'argent pour des travaux anciens ; car nous ne l'avons pas demandé pendant notre séjour. Il doit demain apporter sa note sur laquelle on lui donnera une partie.
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Marie et sa petite sœur Emilie Mertzdorff.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Jeanne Pavet de Courteille.
- ↑ Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff.
- ↑ Marie et Hélène Berger.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Voir la lettre d’Eugénie du mardi 26 septembre.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Possiblement Auguste Maxence Lemire, veuve du général Trézel.
- ↑ Noël Dumas.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 30 septembre 1871. Lettre d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Nogent-le-Rotrou-Launay) à Marie Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_30_septembre_1871&oldid=35599 (accédée le 14 novembre 2024).
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