Mardi 26 septembre 1871

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Nogent-le-Rotrou-Launay)

original de la lettre 1871-09-26 pages 1-4.jpg original de la lettre 1871-09-26 pages 2-3.jpg


Vieux-Thann[1]

Mardi 26 Septembre 71

Ma chère petite Gla, je veux prendre aussi ma plus fine écriture pour te montrer que c'est avec des caractères semblables que j'aime à recevoir tes bonnes lettres, aussi, merci, pour toutes celles que tu nous adresses, elle nous font bien plaisir. Hier en rentrant de Steinbach nous avons eu la satisfaction de recevoir ta bonne lettre mise à la poste Dimanche matin, celle de Jean[2] était arrivée à 10h. Tu vois que le service se fait admirablement de Nogent ici, mais il n'en est pas de même dans l'autre sens, aussi je vais essayer de n'affranchir qu'à moitié ma lettre pour voir si elle te parviendra plus vite.

Je ne saurais assez vous remercier pour les travaux que vous faites faire en ce moment ; ils sont ennuyeux à plus d'un point de vue, mais d'une utilité qui ne souffre pas de mais, aussi toute en vous exprimant ma contrariété, je ne pourrai pas vous cacher que je suis contente que vous ayez si bien dirigé les réparations urgentes. La pluie nous arrive depuis 2 jours, ce qui ne nous a pas empêchés de faire hier une belle promenade avec papa et maman[3]. Nous nous sommes fait conduire en voiture à Steinbach, puis nous avons gagné à travers bois le rocher ; la vue est délicieuse, et le fond de la vallée vraiment très beau. Maman n'a pas été fatiguée et a bien joui de cette promenade, nous sommes rentrés en voiture. Les enfants[4] ont rapporté force lichen, mousses ; Marie veut se mettre à faire force collections pour se distraire un peu du départ de ses amies[5]. La pauvre enfant a le cœur gros de les voir partir, je le comprends et je les regrette beaucoup ; depuis 2 ans les petites Berger ont beaucoup gagné et c'était une société douce et gaie pour mes petites filles. Je n'ai personne pour les remplacer et la jeunesse a besoin de jeunesse, il faut bien rire à cet âge, c'est nécessaire à la santé.

Emilie a reçu la lettre de son Jean avec la petite figure de satisfaction que tu connais, lisant ce qu'il lui dit, comme s'il s'agissait d'une autre personne. Mais le petit bonhomme est amusant dans ses arrangements d'avenir.

Si tu peux avoir les notes des réparations que tu fais faire pour nous, paye avec l'argent de la ferme de la Croix et pour ce qui pourrait te manquer Michel[6] complèterait, il doit avoir de l'argent. Comme tu dis sa femme et lui sont de bien braves gens qui nous sont bien utiles et auxquels on peut se rapporter. Vient-on encore chercher du sable ? Probablement que depuis la guerre on ne s'est pas remis à bâtir.

Je ne sais que te répondre sur ce que tu dois donner à Michel par pièce de Gibier. Chaque coup de fusil vaut 25 c en plus de cela lui donner une pièce serait le plus commode.

Pour le calicot que tu désires que je t'envoie il faut attendre que les conditions du traité soient réglées, jusqu'ici rien n'entre ni ne sort, mais tu peux prendre ce que tu veux des calicots qui sont chez toi à Paris. J'en renverrai d'autres quand les choses seront réglées.

Tu trouveras encore chez toi dont tu peux prendre ce que tu veux :

1 pièce calicot beau (dont tu m'as coupé 10 mètres) et que j'avais marquée                                         64 m à 0F 60c

une coupe cretonne                                 14 m à 0- 50c

idem                                                       17- à 0- 75c

une pièce ordinaire                                  75 mètres à 0- 35c

une coupe cretonne                                  31 m  à 0- 60c

côtelé                                                       6 m   à 0- 60c

puis le nansouk havane  

Il me semble qu'il vaut mieux laisser à Launay ce qui y est, mais cependant si ça te fait plaisir prends-en, je t'en donnerai les prix quand je te verrai. Ainsi bien convenu que ce qui te reste chez toi et dont je te donne les prix, tu peux l'employer comme tu voudras.

Tu as très bien fait de donner à réparer les chaises, sans ce petit entretien on n'aurait plus de plaisir quand on irait à Launay, car on trouverait une maison tout en délabre. Et à la ferme dans quel état sont les bâtiments ? Les fermiers ont-ils fait quelques réclamations ?

J'espère que nous allez avoir encore un peu de beau temps, pour jouir de vos dernières journées, je regrette que vous ne puissiez pas prolonger, je n'ai pas besoin de te recommander de faire toutes mes amitiés à ton aimable entourage[7]. Dis à ces dames en particulier que je suis toute heureuse qu'indirectement j'aie pu participer en quelque chose à votre réunion de famille après tant de douleurs.

Comme toi je n'avais pas oublié le 23 Septembre, tout pour nous est souvenir, le cher et aimé que nous regrettons[8] ne peut pas quitter notre pensée, nous l'aimions tant et il nous le rendait si bien. L'Image que tu as fait faire est très bien, elle est selon le désir de maman ainsi on en pouvait pas mieux faire.

Je vais bien ; mais je ne suis pas tout à fait dans mon assiette, ça m'ennuie, je pense que dans une dizaine de jours ce sera tout à fait passé. Adieu, ma chérie, je t'embrasse comme je t'aime, Charles[9] et les fillettes en font autant pour Alphonse[10] et toi, maman doit être en train de t'écrire pour te remercier de ton bon petit mot

toute à toi

Eugénie M

Je ne sais pas si Alfred[11] viendra.


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Le petit Jean Dumas.
  3. Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
  4. Marie et Emilie Mertzdorff.
  5. Marie et Hélène Berger.
  6. Louis Michel Pieaux, époux de Louise Jeanne Françoise Peltier.
  7. Aglaé est à Launay avec ses belles-sœurs, Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille et Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas, et leurs enfants.
  8. Julien Desnoyers (†).
  9. Charles Mertzdorff.
  10. Alphonse Milne-Edwards.
  11. Alfred Desnoyers.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 26 septembre 1871. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Nogent-le-Rotrou-Launay) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_26_septembre_1871&oldid=40912 (accédée le 14 novembre 2024).

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