Vendredi 12 juin 1857

De Une correspondance familiale


Lettre de Caroline Duméril (Montataire) à sa cousine Adèle Duméril (Paris)


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Montataire 12 Juin 1857

Tu vois que je suis fidèle à ma promesse ma chère Adèle et que je viens causer un peu avec toi ; si je ne l'ai pas fait plus tôt, c'est que j'ai été si occupée à ma tapisserie que réellement je n'avais pas un instant à moi enfin la voilà finie et expédiée depuis hier au soir et tu vois que je ne perds pas de temps puisque je n'ai pas encore déjeuné. Papa[1] t'aura raconté, d'après la lettre de maman, toutes nos cérémonies de Dimanche ; je t'assure que malgré la fatigue, j'ai passé une journée dont je garderai un bien agréable souvenir. Monseigneur[2] est un homme charmant plein d'esprit, de cœur, et de distinction ; pendant les cérémonies religieuses, il a été bien touchant ; et ensuite, au château, il nous a tous amusés par ses histoires et la manière si fine dont il dit les choses. Figure-toi qu'à ce dîner du château, il y avait 7 prêtres ; nous n'étions que quatre dames : Mlle de Condé[3], ma cousine[4], maman et moi. Les exercices religieux ont été fort longs ; après vêpres il y a eu des prières dans le cimetière ; Monseigneur chantait le de Profundis en jetant de l'eau bénite sur les tombes tandis que la population priait tout bas agenouillée sur cette terre si fraîchement remuée en tant d'endroits[5].

6 h. m. 1/4.

La cloche de 10 heures et le déjeuner m'ont interrompue dans mon bavardage, ma chère enfant ; puis j'ai été au jardin, j'ai cueilli des pois, je les ai écossés, je me suis habillée et suis partie avec M. et Mme Fröhlich et maman pour faire des visites au château, chez M. le Curé et à Creil chez M. Boursier.

Nous rentrons, je viens de quitter ma livrée de cérémonie et me vois obligée de finir bien vite cette lettre si je veux qu'elle parte ce soir.

Je te charge, Dimanche, de dresser un procès-verbal très détaillé de tout ce qui se passera à la société protectrice[6] car puisque j'ai le regret de ne pouvoir y assister, tu dois charitablement me dédommager le plus possible ; seulement je suis sûre qu'il faudra que tu me racontes tout cela tout bas autrement nous pourrions courir grand risque d'avoir les yeux arrachés par ton père[7]. Adèle et Marie[8] qui savent que je t'écris me chargent de beaucoup de choses pour toi ; Marie est je crois plus animée que jamais, par moments elle nous donne de terribles envies de rire.

La campagne est vraiment chose délicieuse dans ce mois-ci, tu ne peux te figurer combien tout est vert et fleuri, la pelouse dans le jardin est magnifique, les roses, le chèvrefeuille, le sureau, tout cela est dans son beau moment, je n'ai jamais tant joui, je crois, de la nature.

Adieu, ma chère Adèle, distribue autour de toi mes sentiments de respect et d'affection et reçois pour toi-même, avec deux bons baisers l'assurance de la sincère amitié de ta cousine et amie

Caroline Duméril

Mon oncle[9] n'est pas mal cette après-midi, Théophile[10] part ce soir.


Notes

  1. Louis Daniel Constant Duméril et Félicité Duméril sont les parents de Caroline.
  2. Probablement l’évêque de Beauvais Armand Joseph Gignoux (1799-1878). Enseignant (1823) puis Supérieur du Grand Séminaire de Beauvais, il est nommé évêque en 1842. Comme beaucoup d’hommes d’Eglise de sa génération, il se montre soucieux de renforcer l'institution ecclésiastique tout en maintenant des rapports harmonieux avec la puissance publique.
  3. Probablement la fille du baron Georges Ferdinand Emile de Condé (1810-1886). En 1846, celui-ci achète le château de Montataire et en écrit l'histoire en 1883. Membre du Conseil d'État, il est maire de la commune de 1870 à 1878 et également conseiller général du canton de Creil.
  4. Cousine éloignée de Caroline, Eléonore Vasseur a épousé en août 1846 André Fröhlich, gérant des Forges et Fonderies de Montataire, près de Creil.
  5. Une épidémie de choléra a fait de nombreuses victimes à Montataire en 1849 ; Caroline fait peut-être allusion à un événement plus récent.
  6. Probablement la Société impériale zoologique d'acclimatation.
  7. Auguste Duméril.
  8. Adèle et Marie Fröhlich, filles d’Eléonore Vasseur et André Fröhlich.
  9. Théophile (Charles) Vasseur (1801-1878), grand-oncle de Caroline Duméril.
  10. Théophile (Léonard) Vasseur, fils du précédent ; ils habitent Lille.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 12 juin 1857. Lettre de Caroline Duméril (Montataire) à sa cousine Adèle Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_12_juin_1857&oldid=41218 (accédée le 15 novembre 2024).

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