Samedi 5 et lundi 7 octobre 1872
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)
Samedi soir[1]
Ma chère Gla,
Je te trouve trop avare de lettre en ce moment ; nos pensées se tournent souvent vers ton cher mari[2] dont nous voudrions avoir des nouvelles et nous ne savons rien depuis Mardi, il s'était levé pour la première fois, allait sortir ; vous sentiez le besoin d'aller encore respirer l'air pur de la campagne ? Qu'avez-vous fait ? Comment allez vous ? Tu comprends que tout cela nous occupe et préoccupe, aussi nous réclamons quelques lignes.
Maman[3] continue à très bien aller, elle a bonne mine, et sa gorge ne se prend pas malgré les pluies de ces trois derniers jours ; elle termine sa bande de tapisserie, vient avec moi faire mes tours, nous rangeons les poires et surtout elle se laisse distraire par les enfants[4]. Émilie la fait toujours rire ; ce n'est pas que les pensées préoccupantes et les souvenirs tristes ne soient pas là, oh non, mais enfin cette bonne mère a la force de ne pas se laisser trop envahir par eux. C'est signe que sa santé est meilleure.
Papa[5] nous est revenu hier soir enchanté de son petit voyage qui a admirablement réussi. Sans fatigue, (et presque sans dépense) papa a vu et bien vu les musées de Bâle, Zurich, Fribourg, Lausanne, Neuchâtel. Il est tout content d'avoir eu la bonne inspiration de ce petit voyage qu'il aurait regretté de n'avoir pas fait une fois de retour à Paris.
Le 1er Octobre s'est passé sans évènement, mais chacun avait la tristesse dans le cœur, comme je te l'ai écrit les départs ont été très nombreux à Mulhouse on espère que les chefs d'établissement pourront rentrer : that is the question. Charles[6] est retombé dans ses préoccupations, nous ne sommes plus au bon temps de Port-en-Bessin où on voulait oublier prussiens, fabrique, et le reste.
Nos fillettes ont encore fait marcher leur petit fourneau aujourd'hui, une bonne petite dînette que Charles et Lili[7] sont venus manger ; jusqu'à 9h elles ont relavé la vaisselle.
Demain les Duméril[8] et Heuchel[9] viendront dîner.
Tu t'occupes toujours beaucoup de tes pauvres, tu sais rendre ta vie utile, tu as bien raison, mais ne te fatigue pas trop.
Bonsoir, ma chérie, il est 10h passées, je vais me coucher, papa et maman sont rentrés dans leur appartement.
Mille amitiés.
Lundi
Nous étions tout à fait inquiets de n'avoir pas de nouvelles d'Alphonse, enfin ta lettre vient d'arriver, et nous voici rassurés, mais pas complètement satisfaits, car notre dernière lueur d'espérance de te voir nous venir avec Alphonse et Jean[10] s'envole, puisque vous partez demain pour Launay. Je ne sais si nous nous trompons mais Marie et moi nous nous figurons que c'est toi qui fais la raisonnable et qu’Alphonse aurait été facile à décider à venir encore finir Octobre en Alsace. Une fois cela dit, nous approuvons complètement ton séjour à Launay, c'eut été très mal à toi de garder Alphonse à Paris ; et je crois que vous serez bien à Launay avec petit Jean et Estelle[11].
Maman dit qu'elle partira à la fin de la semaine, elle va très bien, a bonne mine, tout le monde trouve qu'elle est bien mieux que l'année dernière. Papa va bien, il est enchanté de son voyage. Je vais t'envoyer de belles et bonnes poires petite vitesse. Je ne pourrai pas donner à maman de l'étoffe verte, je n'en ai presque plus. Veux-tu que je donne à maman mes dentelles pour que tu puisses t'en servir ?
Adieu, ma chérie, écris-nous plus souvent
Nous t'embrassons toujours fort comme nous t'aimons
Eugénie M.
Notes
- ↑ Lettre non datée à situer l’année du séjour estival à Port-en-Bessin (1872) et juste près le 1er octobre.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Marie et Émilie Mertzdorff.
- ↑ Jules Desnoyers.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Lili non identifiée.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
- ↑ Georges Heuchel et son épouse Elisabeth Schirmer.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Estelle, domestique chez les Milne-Edwards.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 5 et lundi 7 octobre 1872. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_5_et_lundi_7_octobre_1872&oldid=56921 (accédée le 15 novembre 2024).
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