Samedi 3 juillet 1880

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris)

original de la lettre 1880-07-03 pages 1-4.jpg original de la lettre 1880-07-03 pages 2-3.jpg


3 Juillet 80.

Il est vrai ma chère Marie que j’ai écrit 2 fois à Émilie[1] & que toi, ma chère petite Dame, je me permets de te mettre au dernier plan. C’est très mal, je le sais, ce qui ne m’empêche pas d’être très très heureux de lire tes bonnes & aimables lettres que je reçois si régulièrement & je t’en remercie du fond du cœur. C’est que j’aime ma petite Dame absolument comme si elle était encore Demoiselle & si j’ai commis une si grande injustice en écrivant à Émilie c’est qu’elle n’a pas de Marcel[2] pas de ménage, & pas les distractions qui ne te manquent pas & dont tu as raison de jouir comme tu le fais. Je devrais écrire plus souvent mais il n’est pas toujours facile de trouver le temps & les nouvelles au Vieux-Thann n’abondent pas tellement qu’ils fassent plusieurs lettres par semaine.

Que c’est donc heureux d’avoir une belle santé comme celle de ta belle-sœur[3], quelle bonne & digne petite mère de famille, quel bonheur de te savoir avec elle souvent.
Partez-vous toujours le 15 du mois pour Villers ? Il est à peu près décidé qu’Aglaé[4] avec Émilie & bonne-maman[5] passeront à la même époque une 15 à Launay ; comme ils [font] bien, aussi ta bonne sœur se réjouit-elle de ces vacances & se propose-t-elle de dessiner beaucoup.

Comme dans votre parc, l’on fait les foins chez nous, sont dehors toutes les machines quantité de chevaux & une 20 de personnes pour ne rien rentrer du tout, ou du très mauvais pour nos pauvres bêtes.
L’inquiétant c’est le vin qui va nous manquer, impossible de le faire venir de Bordeaux à 200 F la pièce ! il faut nous mettre à le fabriquer en grand c’est ce que nous allons entreprendre avec du raisin sec etc. Depuis longtemps les Kestner donnent cette boisson, qu’on nomme vin, à leurs ouvriers & de part & d’autre l’on s’en trouve bien. Car pour l’année prochaine vendanges sont déjà faites, nous ne ferons pas un 1/20 de récolte. A l’ouvrier des champs & pour ceux qui sont à la grande chaleur il faut autre chose que de l’Eau.

Thérèse[6] va bien, elle pleure encore souvent la perte de sa mère[7] qui était une bien brave mère de famille & laisse un grand vide ; cependant je pense qu’elle n’est pas débarrassée de son mal aussi boit-elle maintenant de l’Eau de Vichy & cela pour longtemps encore.
l’Oncle Georges[8] va bien gentiment, il sort mais n’est pas toujours raisonnable, il devrait se modérer en mangeant, ce qui ne lui est pas facile. Sa femme[9] a bonne mine, elle a eu un gros chagrin en apprenant la mort volontaire de l’un de ses petits-neveux[10] le petit-fils de son frère[11] de Mulhouse, un M. Gerbaut. Du reste un mauvais sujet, paresseux, à mon avis la seule bonne action qu’il ait faite, si l’on pouvait l’appeler ainsi !

Notre pauvre Curé[12] a sa bonne malade depuis fort longtemps l’on s’attend à la perdre. sœur Bonaventure qui m’a visité hier est venu la voir, comme elle le fait souvent pourVieux-Thann. Elle m’a dit que je pouvais compter que l’on me donnerait une maîtresse sœur pour l’organisation de ma petite maison de santé, qui du reste n’est encore qu’en projet l’on travaille encore à celle du futur Docteur[13]qui arrive fin du mois. Cette dernière sera charmante & s’il ne s’y plaît pas il sera bien difficile.
Par contre j’ai eu la visite de Mme Mairel[14] qui est venu pleurer, me disant qu’en perdant ma caisse d’ouvriers son mari ne suffira plus pour parfaire l’instruction de son futur fils Docteur[15]. C’était une visite bien pénible

Au début de ma lettre il me semblait que je n’avais rien à te dire que ce que tu sais depuis longtemps, que je t’aime & aimerais bien t’embrasser & voici que la place me manque & que mon sac n’est vide que moitié

Pour cause de fête l’on ne travaillera pas Lundi à la fabrique, dommage que je sois seul ce serait une belle occasion de faire un tour en Suisse.
Le mauvais temps est cause que je n’ai pas encore commencé  ma saison à Wattwiller.
Demain Dimanche, fête au village, la place de Danse est devant l’ancien presbytère dommage que je ne sois plus jeune, je danserais dans ma maison curiale car la musique donne dans les fenêtres. Quel beau bal à bon compte l’on donne.

Si tu as occasion d’embrasser Marcel tu voudras bien aussi le faire pour moi je t’adresse mes plus affectueux baisers     ton père   ChsMff


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Marcel de Fréville, époux de Marie Mertzdorff.
  3. Louise de Fréville, épouse de Roger Charles Maurice Barbier de la Serre.
  4. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  5. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  6. Thérèse Neeff, bonne chez Charles Mertzdorff.
  7. Joséphine Fricker, épouse de François Neeff.
  8. Georges Heuchel.
  9. Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  10. Marie Alfred Henri Gerbaut.
  11. Gustave Schirmer.
  12. Louis Oesterlé, curé de Vieux-Thann.
  13. Ce sera Louis Disqué.
  14. Joséphine Müller, épouse du docteur Alphonse Eugène Mairel.
  15. René Mairel.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 3 juillet 1880. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_3_juillet_1880&oldid=35583 (accédée le 23 avril 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.