Samedi 29 janvier 1881 (B)
11 février 1881Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris)
Samedi 29 janvier 81.
Ma chère Marie pardonne si j’ai fait le paresseux toute cette semaine. Mais aussi quel temps ! Pluie neige dégèle regèle à ne pas sortir un prussien. Je n’ai pas quitté la maison & ce n’est ni à mon bureau ni dans mon petit salon que je récolterai de quoi remplir une page.
Lorsque je t’aurai dit que je vais bien, qu’au Moulin[1] l’on va mieux, qu’à mes côtés rien ne manque qu’une petite fatigue de voyage, tu sais absolument tout ce que j’aurais d’important à te marquer.
Dimanche j’ai fait, comme tu le sais, la connaissance de M. Rich[2] heureux fiancé de Marie B. C’est un homme de la taille de Léon[3], assez perché du reste, très barbu, très noir, type un peu sémitique, paraît gai & je le crois bien élevé. De l’école centrale il restera à Vieux-Thann & sans doute s’occupera de l’affaire technique & probablement sera appelé une fois au Courant à faire souvent des voyages.
Marie paraît très contente & heureuse. Mais c’est encore si nouveau pour elle qu’avec sa figure toujours étonnée elle tombe des nues ; elle doit souvent se demander si c’est bien elle.
M. Berger[4] ne sait pas encore où loger le jeune ménage, il m’a demandé le logement de Georges Duméril[5] - mais je l’ai adressé à M. Jaeglé[6] qui revendique toute la maison prétendant ne pas avoir assez de place au premier étage. Il me semble que M. Berger doit pouvoir dans sa grande maison trouver de quoi loger ses enfants pour un certain temps, car l’on a l’intention de construire une maison dans le verger ; seulement ils trouvent que de construire est bien coûteux. Je ne sais rien de la famille Rich.
Avant-hier Léon & Mme Stackler[7] sont allés à l’enterrement de M. Oberlé[8] de Sélestat. Marie Léon[9] y était déjà depuis 2 jours. Mme Stackler y est restée pour quelques jours, son frère[10] & sa sœur[11] étaient aussi à l’enterrement. M. Oberlé est depuis si longtemps malade & si souffrant ces dernières années, que, pour lui, c’était une délivrance, cependant il ne s’y attendait pas tandis que sa sœur[12] était depuis une 15 fort inquiète.
Depuis quelque temps je reçois beaucoup de faire-part, ainsi aujourd’hui j’aurais dû assister à l’enterrement de Mme Lalance Mère[13] mais le temps était si mauvais que je n’ai pas bougé, du reste cela m’est si pénible que là où je puis me dispenser je le fais. Sans avoir une grande mortalité nous avons beaucoup de malades dans nos environs.
J’ai reçu hier les deux pièces pour les enfants de l’orphelinat du Kattenbach mais pour 140 F de toile j’ai payé 50 F d’entrée, ce qui pour l’avenir me fait renoncer à cette étoffe, je tâcherai de la remplacer par une autre en laine allemande.
De plus il y a 4 jours j’ai reçu les 24 bouteilles de vin de l’Algérie, 12 bouteilles vin doux qui est arrivé bien, par contre les 12 autres bouteilles me sont arrivées gelées. C’est la 1ère fois que je vois du vin à la glace. beaucoup de glace, très ferme & peu de liquide, si j’avais été curieux j’aurais fait décanter quelques bouteilles pour avoir quelque liquide qui ne se rencontre pas souvent. Si je ne l’ai fait c’est qu’en route 3 bouteilles sans se casser se sont vidées. C’est la gelée ou les douaniers maladroits car enfin ils auraient dû casser les bouteilles pour faire croire à la gelée. Une 4e bouteille en effet était cassée & l’on peut en accuser la gelée. Il ne me restait donc que 8 bouteilles que je vais laisser vieillir pour d’abord savoir s’il se conserve comme tout vin blanc & si à la longue il lui pousse un bouquet quelconque, car il en est tout à fait exempt. Mais il est si jeune. J’aimerais tant voir l’Algérie prospérer, même par son vin.
Je vais porter les 75 F à M. le Curé[14] pour ses 2 titres vendus. J’ai de plus avis de Bâle que le titre Liège Smib est remboursé par [6]25 que je vous dois. Mais je vois, ce que je ne savais pas, que les coupons sont payés à Paris sans frais par xx (c’est indiqué sur le titre) inutile de l’encaisser à l’avenir à Bâle.
J’ai reçu ta lettre ce matin, tu fais bien de ménager tes sorties & tes pas, par le temps détestable. Peu à peu je vois que le petit nid du tout petit[15] se prépare & si la maman oublie quelque chose ce ne sera pas de sa faute. & de la tante[16] non plus. Il sera bien ingrat, s’il est méchant avec sa maman, s’il crie trop la nuit etc. Mais attendons, n’anticipons pas. Analysons après. le moral bien entendu ; ni solide ni liquide
Émilie[17] m’a écrit il n’y a pas longtemps, je suis décidément un papa gâté. Je vois que je fais une quantité de cadeaux sans m’en douter, ne crois au moins pas que je m’en plaigne. [ ] je t’embrasse sans oublier Marcel[18] & tout cœur
ChsMff
Notes
- ↑ Au Moulin vivent Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
- ↑ Paul Henri Rich, fiancé de Marie Berger.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Louis Berger.
- ↑ Georges Duméril vient de partir à Émalleville dans l’Eure.
- ↑ Frédéric Eugène Jaeglé.
- ↑ Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler et belle-mère de Léon Duméril.
- ↑ Clément Fortuné Oberlé (Charles Mertzdorff écrit : « Oberlen »).
- ↑ Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
- ↑ Auguste Hertzog.
- ↑ Joséphine Hertzog, épouse Jean Paulin Émile Borel.
- ↑ Clémentine Oberlé.
- ↑ Mélanie Koechlin, veuve d’Auguste Lalance (1802-1842).
- ↑ Louis Oesterlé curé de Vieux-Thann (voir la lettre du 22 janvier).
- ↑ Jeanne de Fréville naîtra le 19 mars 1881.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Marcel de Fréville, époux de Marie Mertzdorff.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 29 janvier 1881 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_29_janvier_1881_(B)&oldid=35566 (accédée le 9 octobre 2024).
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