Samedi 26 (B) et dimanche 27 octobre 1816

De Une correspondance familiale

Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son mari André Marie Constant Duméril (Blois)

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26 Octobre 1816

Je reprends tout de suite la plume pour faire une continuation à ma lettre tronquée. J’ai eu bien du regret au mécompte que tu as eu en ne recevant pas de lettres de moi à Tours aussi tôt que tu le pensais. finalement tu as dû en recevoir une énorme, et une seconde un peu moins longue lesquelles te tiennent assez au fait de tous nos faits et gestes. Tu auras vu que j’ai eu pour M. Guersant plusieurs attentions auxquelles je pense bien qu’il aura été sensible. Tu verras aussi

Dimanche 27.

Je fus tout de suite interrompue hier, et je ne sais si aujourd’hui on me laissera une demie-heure tranquille pour finir cette lettre. Je n’ai point de nouvelles de M. Guersant depuis 2 ou 3 jours, aussi je compte y aller aujourd’hui.

Notre petit dîner d’hier s’est fort bien passé, il était composé, comme je crois te l’avoir dit, de Mme Duméril[1], la famille Say ; MM. Béclard et Cloquet[2]. Nous fûmes dans le cas de dîner dans ta bibliothèque, car on ne put jamais faire brûler le feu au poêle de la chambre à manger. On n’en fut que mieux, les trois petits garçons furent dans un coin de la pièce à ma petite table. Dès le commencement du dîner la conversation se mit fort en train, et se soutint assez animée jusques à onze heures qu’on se retira. Je fis faire un boston où joua Mme Duméril, qui conserve toujours les manières agréables et l’esprit que nous lui connaissions et cet excellent ton qui fait toujours tant de plaisir à rencontrer. Elle avait installé le matin son fils cadet[3] à sa pension. Elle attend l’aîné demain, il a quitté Valognes une dizaine de jours après sa mère.

Je te dirai que nous avons remarqué chez M. Béclard, une physionomie ouverte et un air de gaieté qu’on lui voit bien rarement ; J’ai su qu’il avait reçu une lettre de Jules[4] datée de Tours, et j’ai compris à sa gaieté que son ami lui avait fait part de la conversation qu’il avait eue avec toi à son sujet et qu’il lui aurait dit que d’après la manière dont tu as pris la chose, il pouvait peut-être concevoir quelque espérance que nous chercherions à lui être utile dans cette affaire-là. Quant à M. H. Cloquet on pourrait presque croire d’après ce qu’il dit depuis quelques jours que son mariage est moins arrangé qu’il ne paraissait l’être il y a un mois. Je pense que je ne pourrai débrouiller ce qui en est, qu’après ton retour.

Je me flatte que j’aurai enfin une lettre de toi aujourd’hui, car hier, point je n’en ai reçu. Je n’ai pas eu de nouvelles de ma bonne amie[5] depuis le matin où elle est venue me voir. Je lui écrirai demain. Ce soir nous irons peut être chez les Say chercher Constant[6] qui doit y aller dîner.

Le mari d’Elisabeth[7] m’a présenté hier un domestique dont il dit plusieurs bonnes choses, et dont l’âge et la tournure nous conviendraient assez et qui dit-on, conduit fort bien. Il le ramènera après ton retour.

J’espère que la migraine ne s’est point avisée de te rendre visite et que tu es très content de ton estomac, enfin que tu te sens très bien et avec de bonnes dispositions maritales ; je devrais rougir en disant un tel propos, et j’espère que jamais tes lettres ne sont exposées aux yeux d’autrui.

Il t’est venu quelques lettres peu importantes, et très peu de demandeurs. M. Pitois t’a écrit, il est très impatient que tu lui donnes de quoi faire mettre sous presse. M. Cloquet lui a donné les articles qui le regardent afin de l’aider à prendre patience.

J’ai reçu hier une longue lettre de Cécile[8], certainement fort amicale, mais elle ne parle pas de mon amie tout à fait comme je le voudrais. Elle n’a pas assez l’air de penser les choses agréables qu’elle m’en dit. il parait qu’ils sont tous bien. Les commissions vont leur train.

Voilà la dernière lettre que je puis t’écrire puisque le 30 tu ne seras plus à Blois. J’espère que ta route se fera très heureusement et que tu m’écriras à quelle heure à peu près tu crois arriver chez toi jeudi.

Voudrais-tu bien apporter demain cette pommade que tu me proposais pour mon doigt, j’éprouve une espèce de désespoir de le voir ne pas se guérir, et cela me décidera à essayer enfin une chose dont j’ai pourtant une sorte de terreur. mais mal pour mal, je pense qu’il faut essayer d’un moyen que tu crois pouvoir réussir.

Je t’ai écrit hier au soir, ainsi tu vas probablement recevoir deux lettres presque à la fois. Adieu mon bien cher ami. Il faudrait demain nous apporter 6 petits babas touts frais du marchand de la porte Saint-Denis.

Je t’embrasse en te serrant contre mon cœur, fais je te prie mon compliment à M. Rayer sur son retour en bonne santé.


Notes

  1. Désirée Marie Louise Ango, épouse de Jean Louis François Pontas-Duméril.
  2. Hippolyte Cloquet.
  3. Edelestand Pontas-Duméril, le cadet, et Alfred Pontas-Duméril, l’aîné.
  4. Jules Cloquet qui accompagne AMC Duméril dans sa tournée des Jurys de médecine.
  5. Suzanne de Carondelet.
  6. Louis Daniel Constant Duméril, leur fils.
  7. Elisabeth, domestique chez les Duméril.
  8. Cécile Delessert, épouse de Michel Delaroche.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril à sa femme, p.179-183)

Annexe

A Monsieur Duméril, Président des jurys de Médecine

chez M. Desparanches9 Docteur M.

Place St Louis N°23 à Blois.

Pour citer cette page

« Samedi 26 (B) et dimanche 27 octobre 1816. Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son mari André Marie Constant Duméril (Blois) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_26_(B)_et_dimanche_27_octobre_1816&oldid=35533 (accédée le 22 décembre 2024).

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