Samedi 19 novembre 1831

De Une correspondance familiale

Lettre (incomplète) d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son fils Louis Daniel Constant Duméril (Le Havre)

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19 Novembre 1831

Il t’arrive si souvent maintenant mon cher Constant[1] de nous laisser 15 jours sans lettres que je commence à craindre que cela devienne une habitude que tu ne sauras plus changer ; Il faut faire tout pour se garantir dans leur origine des habitudes qui ne sont pas bonnes, car elles deviennent maîtresses absolues malgré tous les raisonnements que nous nous faisons nous-mêmes pour leur résister ; il semble que nous n’ayons plus de volonté là où elles ont pris leur empire. Tu connais depuis longtemps si je sais ce qui en est, c’est pour cela que je me couche et me lève trop tard etc. etc. et c’est pour cette idée que tu peux ressembler à ta mère que j’insiste fortement sur la vive résistance qu’il faut opposer à des habitudes que l’on serait fâché de prendre. Celle de ne nous écrire que tous les quinze jours serait très mauvaise et je te conjure de la repousser. Les jours où tu as peu de temps tu ne nous écris qu’une petite lettre, mais enfin nous avons de tes nouvelles et quelques mots de toi. Ton Oncle[2] ne nous a point du tout reparlé de la lettre qu’il te doit et par conséquent nous ignorons complètement ce qu’il pense à te répondre. < > nous donne une petite agitation que nous ne lui laissons point connaître, mais nous sommes contrariés ; J’espère que tu es très occupé, cela fait sûrement que tu y penses moins ; raconte-nous si tu t’es mis à l’étude des cotons et si tu prévois pouvoir peu à peu réussir à les connaître.

Il paraît que vous venez d’avoir au Havre du temps affreux, cela n’est pas gai et doit empêcher complètement un peu de promenade que tu aimes tant. Ta tante[3] est de retour en ville, ainsi te voila tout près d’une partie de la famille, et je pense que tu vois souvent ces Dames. Dans les premiers temps de cette séparation Élise[4] doit être toujours un peu triste et surtout cette année qu’elle ne peut pas toujours s’occuper à cause de cette douleur à la main droite dont elle n’est pas encore complètement débarrassée ; il parait que M. Latham s’amuse beaucoup de sa petite Cécilia ; cette enfant doit être bien gentille.

Tu sais que ton Oncle Auguste et fils[5] sont arrivés il y a dix jours, ce dernier est à l’Ecole Polytechnique depuis plusieurs jours ; les premiers moments de ce nouveau genre de vie, la séparation où il va se trouver de nouveau < > de toute sa famille, le rendent un peu sérieux, mais comme il est très raisonnable et qu’il est arrivé à un point auquel il visait, il prendra bientôt le dessus sur ces impressions. Nous nous attendons à le voir paraître demain dans son uniforme où rien ne manquera < >, d’avance il < > à l’idée de ce costume < > pour lui, cependant il dit qu’en paraissant ici, ainsi équipé, ce n’est qu’Auguste[6] qu’il redoute parce qu’il ne fait pas de doute, dit-il qu’il se moquera de lui. Les deux cousins se taquinent souvent et s’aiment d’une véritable amitié. Mon beau-frère[7] est arrivé ici avec sa belle-sœur Mme Valery Cumont[8] qui est venue rejoindre ici son mari qui était en voyage depuis quelque temps. Elle est venue en grande partie pour consulter ayant une santé délicate qui détermine des fausses-couches et fait qu’elle n’a point d’enfant, ce qui chagrine elle et son mari ; C’est une femme de 26 ans jolie et surtout charmante par l’expression candide et en même temps spirituelle de sa physionomie. Nous l’avons eue à dîner un dimanche et à passer la soirée un jeudi et toutes les personnes qui l’ont vue ici l’ont trouvée charmante ; elle est timide, et ne paraît point penser qu’elle soit jolie et cela ajoute à l’agrément de son air. M. Cumont est fort bien aussi quoiqu’il ne soit point joli garçon.

Je n’ai fait encore que très peu de visites et par conséquent n’ai rappelé qu’à peu de personnes encore que nous sommes chez nous le jeudi, mais peu à peu j’espère je viendrai à bout de mes visites et de mes invitations ; Jeudi (avant-hier) nous eûmes pourtant quelques personnes entre autres Jules Cloquet qui vient de faire pour sa santé un long et fort joli voyage dont il paraît très enchanté ; il a parcouru le midi de la france et la suisse et est allé jusqu’en Italie, il a mis deux mois à ce voyage


Notes

  1. Louis Daniel Constant Duméril.
  2. Michel Delaroche.
  3. Cécile Delessert épouse de Michel Delaroche.
  4. Pauline Élise Delaroche, épouse de Charles Latham et mère de Cécilia.
  5. Auguste (l’aîné), frère d'André Marie Constant Duméril et son fils Charles Auguste.
  6. Auguste Duméril, frère de Louis Daniel Constant.
  7. Auguste Duméril (l’aîné).
  8. Esther Lelièvre, épouse de Valéry Cumont (le frère d’Alexandrine).

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 19 novembre 1831. Lettre (incomplète) d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son fils Louis Daniel Constant Duméril (Le Havre) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_19_novembre_1831&oldid=61400 (accédée le 21 novembre 2024).

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