Samedi 19 décembre 1874

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)

original de la lettre 1874-12-19 pages 1-4.jpg original de la lettre 1874-12-19 pages 2-3.jpg


Samedi matin 19  Xbre 74

A ma bonne grosse bien aimée

Il y a bien longtemps que je ne t'ai plus écrit ma toute chérie & cependant ce n'est pas faute de penser à toi comme tu sais.

Je voulais t'écrire hier au soir, mais mon petit voyage à Nancy m'a un peu fatigué & j'ai dû remettre ce plaisir. Je me doutais un peu que je ferais un voyage inutile mais ne pensais cependant pas qu'il le serait si complètement & une autre fois je m'abstiendrai d'un déplacement si difficile & je resterai chez moi.

J'avais très heureusement beau temps & n'ai pas souffert du froid. J'étais souvent seul dans mon compartiment de sorte que mes impressions de voyages n'ont pas été vifs & animés, comme je suis forcé de m'abstenir de lire en voiture, tu vois que mes distractions n'étaient pas grandes.

Je pensais beaucoup à vous, comme c'est assez mon habitude & je regrettais seulement que cette fatigue ne me donne pas plus de satisfaction.

J'ai trouvé Edgar[1] à la station & comme ils habitent vis-à-vis de la station, j'étais bien vite installé chez eux.

Votre tante[2] avait bonne mine, elle se porte bien & commence à se plaire à Nancy, tout en regrettant sa maison de Colmar. Je ne sais si je vous ai dit que j'ai proposé aux Henriet[3] de prendre Jeanne[4] avec moi ; mais l'on n'était pas prêt & je doute maintenant que cette jeune demoiselle aille à Nancy. A force de s'organiser, d'avoir des ouvriers chez eux, ils commencent à être parfaitement installés & le propriétaire ne doit pas être fâché d'avoir de pareils locataires.

Comme je voyais que notre réunion n'aboutissait pas, je l'ai quittée à 6h & ai dîné avec les Zaepffel & ai ainsi pas ma soirée & toute ma matinée avec eux, ne quittant Nancy qu'à 11h j'ai encore déjeuné avec eux ce qui était un grand plaisir pour moi & votre tante. Je n'ai vu personne d'autre de la famille Zaepffel mais je sais que l'on va assez bien.

En rentrant j'avais assez de temps pour dîner à Strasbourg, de sorte qu'arrivé à la maison à 10h du soir une tasse de thé me suffisait & je ne me suis pas fait prier pour aller me coucher.

Pendant mon absence tout s'est passé régulièrement ici. Léon[5] que j'ai vu hier m'a dit que ses parents[6] allaient bien. Je ne les verrai pas demain Dimanche comme je vais dîner chez MmeBerger[7] je passerai une bonne partie de ma journée chez ces amis. Il paraît que vos grandes amies d'ici[8] sont très occupées tant par leurs leçons & par les études qu'elles-mêmes font faire à frère & sœur[9], ce qui les intéresse beaucoup. Tous les Vendredis MmeBerger passe sa journée à Mulhouse avec ces Demoiselles & la journée se passe en leçons de toute chose. Hélène depuis qu'elle est ici se porte infiniment mieux.

En rentrant de Nancy avant-hier au soir j'ai trouvé M. Hans[10] notre employé qui rentrait, accompagné de sa femme, de sa maison de santé. Le voilà à peu près remis de son dérangement ; ce que J'étais heureux de le rencontrer ainsi pourvu que sa folie ne le reprenne plus.

De Thann je ne sais rien, le Curé[11] n'est pas encore remplacé & comme c'est une cure un peu difficile surtout maintenant qu'il y a un Kreisdirecteur l'évêché doit avoir du mal à trouver.

Noël tombe un Vendredi. Nous allons profiter du Samedi & Dimanche pour faire une réparation pour laquelle je resterai ici. Je pense quitter d'ici Mardi soir 29 pour vous embrasser encore avant le jour de l'an que j'attends avec impatience. Nous aurons alors quelques bonnes semaines à passer ensemble.

Mais comme nous nous causerons encore avant mon départ, je saurai mieux & plus sûrement vous fixer le jour, si tout marche à souhait je pourrai peut-être quitter Lundi soir ce qui m'irait mieux.

Le baromètre est au beau, nous n'avons pas de neige en plaine, un peu sur les hautes montagnes & il ne fait pas froid ; toutes bonnes choses pour notre travail journalier.

Rien de particulier du village & de la maison. Tout le monde a du travail il y a même pénurie d'ouvriers, aussi la misère n'est pas grande. Le pain n'est pas cher, la viande est à 50c la livre. Le seul malheur c'est que l'Eau de vie soit ici si bon marché, c'est une vraie plaie.

Je t'embrasse bien ma bonne chérie, chérie. Fais-en autant pour moi à Oncle & tante, n'oublie surtout pas ta sœurette. Tu feras mes amitiés à Cécile[12] & tout à toi ton père qui t'aime

CharlesMertzdorff


Notes

  1. Edgar Zaepffel, beau-frère de Charles Mertzdorff.
  2. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  3. Louis Alexandre Henriet et son épouse Célestine Billig.
  4. Jeanne Henriet, 17 ans.
  5. Léon Duméril.
  6. Félicité Duméril et son époux Louis Daniel Constant Duméril.
  7. Joséphine André, épouse de Louis Berger.
  8. Marie (17 ans) et Hélène (16 ans) Berger.
  9. Charles (9 ans) et Julie Berger (6 ans).
  10. Nicolas Hans, époux de Marie Louise Mura.
  11. Jean Baptiste Grienenberger (†).
  12. Cécile, bonne des demoiselles Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 19 décembre 1874. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_19_d%C3%A9cembre_1874&oldid=35411 (accédée le 21 novembre 2024).

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