Samedi 14 août 1830

De Une correspondance familiale


Lettre de Pierre Bretonneau (Tours) à son ami André Marie Constant Duméril (Paris)


Tours, 14 août 1830

Mon ami, je profite de l’occasion d’un de mes clients qui se rend à Paris, en sortant de chez moi, pour vous entretenir de mes perplexités.

Orfila en passant ici m’a laissé de grandes inquiétudes ; il reconnaissait les titres de mon enfant[1], leur valeur, et sur la question de droit j’étais heureux de l’entendre.

« Malgré tout, me disait-il, vous ne devez pas trop vous flatter. Dupuytren apprécie votre élève, et je ne doute point qu’il ne lui fût favorable s’il ne le réservait pour l’opposer à Paul Dubois. » Donc un autre concours ; ce que j’apprends de celui-ci, où tant de talents brillent d’un si grand éclat, ajoute encore à mes inquiétudes. Rassurez-moi, mon ami, si vous le pouvez, si vous prévoyez qu’après tant de luttes et d’efforts de si grands travaux seront enfin couronnés.

Cette partie perdue, je ne vois plus de but à mes espérances.

J’ai vu commencer Velpeau, j’ai marqué son point de départ, j’ai pu mesurer son chemin ; c’est sous mes yeux qu’il s’est si prodigieusement grandi, et je puis dire avec Stoll[2] : Quem virum et quantum ! Avec cette volonté de fer concentrée sur un seul objet, quelle aptitude à le suivre, à le traiter à sa gloire, j’ose le dire, et à celle de la Faculté !

Mon ami, un mot, un seul mot qui mette fin à une incertitude qui devient plus pénible d’instant en instant.

Votre bien sincère ami.


Notes

  1. Alfred Armand Louis Marie Velpeau, qui postule pour la chaire de physiologie, dont le concours doit avoir lieu en mai 1831.
  2. Probablement Maximilian Stoll (1742-1787), dont les Aphorismes sur la connaissance et la curation des fièvres, parus en 1787, sont traduits en français par Corvisart (1797, avec le texte latin) et par Mahon (1801).

Notice bibliographique

D’après Triaire, Paul, Bretonneau et ses correspondants, Paris, Félix Alcan, 1892, volume II, p.  304-305. Cet ouvrage est numérisé par la Bibliothèque inter-universitaire de médecine (Paris).

Pour citer cette page

« Samedi 14 août 1830. Lettre de Pierre Bretonneau (Tours) à son ami André Marie Constant Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_14_ao%C3%BBt_1830&oldid=42776 (accédée le 18 décembre 2024).

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