Samedi 13 juillet 1878

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1878-07-13 pages 1-4.jpg original de la lettre 1878-07-13 pages 2-3.jpg


Paris 13 Juillet 78.

Je commence, mon Père chéri, par t’adresser toutes mes félicitations d’avoir expédié si vite ton jury[1] ; à la bonne heure ; nous qui avions peur qu’on ne te tienne là-bas pendant dix ou quinze jours ! J’espère que maintenant vous êtes tous rentrés tranquillement à Vieux-Thann et que tu vas sous peu songer à te mettre en route ; tu sais que le mois avance, c’est Lundi le 15 et tu te rappelles, sans doute, que tu as toujours parlé des environs du 20 ! « Ainsi vous voyez ! » dirait Nanette[2] (C’était toujours comme cela qu’elle finissait ses phrases quand elle ne voulait pas elle-même tirer de conclusions).

M. et Mme Jaeglé[3] ont dû être bien affectés de la maladie de leur frère[4] et je comprends bien l’inquiétude de cette pauvre femme qui est restée si longtemps sans nouvelles ; ce que je ne comprends pas c’est que M. Jaeglé se soit mis en route seul avec ce fou pour faire un long voyage ; oncle[5] trouve même que ce n’était pas prudent.

Depuis qu’Emilie[6] t’a écrit rien de bien remarquable ne s’est passé ici ; Jeudi après qu’elle t’a eu écrit nous avons été chez Marthe[7] avec laquelle nous avons pâtissé toutes la journée. Elle nous a appris à faire un gâteau de maïs ce qui est très bon. Seulement il nous a fallu le pétrir pendant deux heures ce qui nous a enchanté : nous avons transporté une table au fond du jardin et c’est là que munies d’énormes tabliers nous nous en sommes donné à cœur joie. Je t’assure que tout en malaxant notre farine nous avons bien ri ; cela ne voulait pas prendre et Marthe nous encourageait disant que cela doit toujours être comme cela puis quand la pâte a commencé à se lier elle nous a avoué qu’elle avait eu aussi une forte inquiétude mais qu’elle ne voulait pas nous le dire. La cuisson a été aussi fort intéressante. Le soir nous devions aller au bain froid avec Paule[8] mais il faisait trop frais.

Hier nous sommes enfin retournées à notre leçon de piano au grand bonheur d’Emilie, au bonheur modéré de moi. Mme Roger[9] a été très souffrante mais elle va mieux maintenant et reprend ses leçons pour jusqu’aux vacances. En sortant nous avons été chez Mme Cordier[10] qui n’y était pas, puis chez les [  ] essayer une autre petite robe que je suis en train de faire.

Aujourd’hui il pleut à torrents aussi ne sortirons-nous que pour aller au cours d’anglais.
Bonne-maman[11] continue à mieux aller elle s’est levée hier toute l’après-midi ; sa figure n’est pas encore bien jolie mais son front se cicatrise, on lui a enlevé il y a 2 jours les petits fils qu’on lui avait mis.
Ce matin la blanchisseuse est venue de sorte que je n’ai pas encore fait grand’chose.

La semaine prochaine tante Louise[12] accompagnera sa belle-sœur[13] à La Brière propriété de Mme Pavet mère[14] qui vient d’être vendue et il faut que ces dames soient là-bas pour reprendre les meubles le linge les livres & qu’elles veulent et pour faire vendre le reste ; c’est un voyage très pénible mais auquel tante Louise qui est le dévouement même s’est tout de suite offerte. Pendant ce temps Marthe demeurera avec nous ce qui nous réjouit énormément.

Adieu, mon Père chéri, pardonne-moi cette sale lettre je ne sais pas ce que je te dis. Je t’embrasse bien bien fort comme je t’aime et comme je me réjouis de le faire bientôt.
Ta fille,
Marie

J’embrasse bien fort bon-papa et bonne-maman[15].


Notes

  1. Charles Mertzdorff était membre du jury au tribunal de Colmar.
  2. Annette, ancienne cuisinière chez les Mertzdorff.
  3. Frédéric Eugène Jaeglé et son épouse Marie Caroline Roth.
  4. Probablement le frère de Marie Caroline Roth.
  5. Alphonse Milne-Edwards.
  6. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  7. Marthe Pavet de Courteille.
  8. Paule Arnould.
  9. Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeur de piano.
  10. Félicie Berchère, épouse de Charles Cordier.
  11. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  12. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  13. Léonie Pavet de Courteille, épouse d’Alfred de Ségogne.
  14. Sophie Silvestre de Sacy, veuve de Charles Pavet de Courteille, décédée en 1877.
  15. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 13 juillet 1878. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_13_juillet_1878&oldid=35332 (accédée le 15 novembre 2024).

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