Samedi 13 décembre 1879

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)

original de la lettre 1879-12-13 pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-12-3 pages 2-3.jpg


Samedi midi 13 Xbre 79.

Ma chère Marie

Rien de bien intéressant à te conter, ma chère bien aimée, mon oncle[1] ne va toujours pas, la maladie traîne sans amélioration sensible, il ne souffre pas, mais s’affaiblit considérablement, il ne mange pas, ne parle pas, toujours dans un état de somnolence qui est de la faiblesse sans aucune réaction. tous les 2 jours le Docteur[2] le purge, ce qui n’est pas fait pour lui donner des forces. La pauvre tante[3] commence aussi à s’inquiéter, jusqu’ici elle avait toujours le meilleur espoir & ne voyait pas la gravité de son malade ; heureusement qu’elle supporte bien toutes les fatigues car son mari serait difficile à faire soigner par d’autre que sa bonne femme qui devine ses désirs. Georges a toute sa tête & parle beaucoup du désir qu’il a de voir arriver le nouvel an & avec lui Jules[4] qui doit venir passer quelques jours ici ; Le temps est plus clément nous avons un beau soleil & cette nuit il n’a fait que - 5° aussi ne souffrent-on plus & il fait plus froid dans les maisons que dehors. L’on travaille peu sur les routes de sorte que les chemins sont toujours très difficiles & que nos voitures ont grand mal à faire le voyage en deux jours au lieu d’un. Par contre le chemin de fer marche régulièrement & c’est la voie que nous allons prendre pour faire venir nos toiles de Mulhouse.
Le baromètre est très haut ne bouge pas malgré le changement de lune & nous pouvons conserver ce temps encore quelques semaines, sans cet excès de neige l’on ne sautait désirer mieux.

Je vais tâcher de savoir du Docteur ce qu’il pense de notre cher malade & suivant ce qu’il me dira je prendrai de suite mes vacances de Nouvel an. il ne fait pas mauvais voyager & j’en profiterai en fixant mon départ pour Mercredi ou Jeudi, car Mardi j’ai à aller à une réunion que je ne voudrais pas manquer puisque je suis ici, mais d’ici là je vous écrirai encore & vous pouvez me dire si ma chambre est libre puisqu’elle était occupée par bonne-maman Trézel[5].
Les nouvelles que vous me donnez de bonne-maman Desnoyers[6] sont bonnes, ce qui me réjouit beaucoup, tante[7] va de nouveau bien aussi.

Au moulin l’on va bien. Marie Léon[8] a de nouveau sa mère[9] auprès d’elle & je pense pour assez longtemps car Mme Stackler n’ayant plus de bonne elle restera auprès de sa fille. l’on ne parle plus du rhume de Maria[10] & j’ai vu hier M. Berger[11] qui me dit que tout son monde va bien, du reste ces dames sont souvent dehors, même par ces grands froids l’on se promenait en traîneau & je les rencontre assez souvent en allant faire visite à mon cher Malade.

Je n’ai pas encore eu la curiosité d’aller visiter mon acquisition nouvelle du Presbytère, il faisait trop froid & je remettrais cela en Février ! en réponse à ta demande de même je n’ai pas encore vu le Kreis director[12] pour la destination de ce même immeuble ; j’étais chez lui sans le trouver, mais avant mon départ j’y retournerai.

A l’instant me parvient ta bonne lettre [du 11 qui me dit que tante ne va toujours pas comme nous voudrions, avec cela qu’elle se tourmente de ne pas pouvoir faire tout, tout ce qu’elle voudrait.

Dans la maison le froid n’a pas fait trop de dégâts, quelques pommes de terre & quelques poires de gelées, mais il paraît que Marie Léon qui avait ses fruits dans des armoires les a à peu près tous perdus, c’est dommage car les fruits du Moulin étaient magnifiques, tandis que dans le village bien des gens ont perdu leurs pommes de terre. Espérons que le plus mauvais est passé & que nous ne reverrons plus - 20°. c’est trop pour les pauvres ! Quant à l’usine nous avons été plus heureux qu’à Wesserling qui se laisse geler & n’ont pas pu continuer à travailler, il est vrai qu’ils avaient - 26° & peut-être plus de vent. Tu embrasseras bien tante & oncle[13], beaucoup ta sœur[14] chérie, comme je t’embrasse toi-même
à bientôt. bientôt. ChsMff


Notes

  1. Georges Heuchel.
  2. Pierre Léon Bornèque.
  3. Élisabeth Schirmer épouse de Georges Heuchel.
  4. Son petit-fils Jules Heuchel.
  5. Auguste Maxence Lemire, veuve de Camille Alphonse Trézel.
  6. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  7. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  8. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  9. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
  10. Maria Lomüller, épouse de Georges Duméril.
  11. Louis Berger.
  12. Kreis-director : directeur d’un cercle d’Empire (directeur de la région).
  13. Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.
  14. Emilie Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 13 décembre 1879. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_13_d%C3%A9cembre_1879&oldid=35330 (accédée le 15 novembre 2024).

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