Mercredi 9 septembre 1863
Lettre d’Eugénie Desnoyers (Ancy-le-Franc) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)
Ancy le Franc
9 Septembre 63
Deux lettres pour une, voilà qui est aimable < > tu veux continuer et je le paierai en même monnaie, c’est la plus agréable dans l’éloignement, n’est-ce pas ma Chérie ?
Vatel[1] eût été content de toi ; ton menu paraît de fort bon goût (sans calembour), et ce que j’aime c’est ton calme et ton entrain, c’est là tu comprends ce que maman[2] et moi nous aimons à voir dans les lettres. mais tu ne me dis rien de ta santé, as-tu continué à souffrir ? ou est-ce par prudence qu’Alphonse[3] t’a empêchée de descendre ?
Une petite description < > agréable je n’en doute pas, à commencer par la maison. Le cher directeur[4] est très bien installé, confortablement et simplement ; sa salle à manger est charmante et se trouve ainsi que le salon au rez-de-chaussée, ce qui permet de jouir du jardin qui est encore assez grand et a vue sur le parc. L’habitation est tout à fait analogue à l’ancienne maison de Mme Frölich[5], même voisinage de l’usine, même fumée sur les fleurs, même bruit arrivant jusque dans les chambres, mais de même aussi distribution intérieure très commode. Rez-de-chaussée : on entre dans un grand vestibule, en face l’escalier bien éclairé et une porte du jardin, à droite le cabinet particulier d’Alfred ; à gauche salon, salle à manger, cuisine, office ; au premier, petit carré et corridor sur lequel donnent les chambres. En face la chambre d’Alfred avec grand cabinet de toilette, ayant lit pour Julien[6], à la suite à gauche, grande chambre pour vous, en face chambre de demoiselle Eugénie qui a le plus joli mobilier (toilette fermée, petite table à ouvrage ayant un double <emploi> et lit d’acajou assorti) cette chambre donne dans celle des parents qui est vaste et a 2 fenêtres donnant sur le jardin. Le bout du corridor digne de rivaliser avec celui de Montmorency. C’est précieux ! Tu vois que nous sommes très bien et qu’il n’y a que votre présence qui manque. Hélas ! les vipères ne sont pas une œuvre de l’imagination. Alfred et tout le monde s’accordent à dire qu’il faut les éviter ! Mais si la montagne nous est interdite en revanche le parc nous est ouvert et nous sommes allés hier y faire une longue station, nous avons dessiné mais nous sommes restés trop tard parce que à cause de l’humidité car de tous côtés on trouve de l’eau : étangs, rivières, canal de bourgogne, petits canaux de l’usine & c’est très joli d’effet, puis grands arbres sur les bords et le château qui fait point de vue. Les propriétaires sont <très gentils>.
Mais la grande affaire est une affaire domestique hélas ! hélas ! Alfred a un ménage qui a très bonne apparence, l’homme sait très bien le service et a bon volonté, la femme est bonne cuisinière, mais ce n’est pas seulement l’anse qui danse, le panier tout entier est de la partie. Alfred désire que maman la mette au pas. Pauvre mère ! c’est une rude corvée. Elle va faire de son mieux. Que ne fait-on pour ses enfants !
Papa[7] casse des pierres, il est après les coquilles, hier il est allé avec Alfred aux mines à 4 km. Ce bon père se fait du … bien. Julien accompagne. M. le directeur < >
midi. On voulait lire par dessus mon épaule, aussi j’ai fermé mon buvard ; puis le déjeuner. Maintenant nous allons aller avec papa faire un tour du côté des tas de pierres. Pour parler < > ainsi les menus sont fort bons ici : civet de lièvre, anguille à la tartare (magnifique), canard rôti, haricots, salade ; autre : bœuf, brochet (encore énorme), lièvre rôti, salade…
J’espère que l’indisposition de Louise[8] n’a rien de grave. Quelle pauvre maison vous faites en ce moment. Maman me charge de te dire tant de bonnes choses que je te charge de les deviner et moi je fais comme elle et <t’accable> de tendres caresse. Alfred, Julien vous envoient < > bien franches amitiés.
Notes
- ↑ Madame de Sévigné raconte que le maître d’hôtel Vatel se donna la mort en 1671 en constatant qu’un dîner offert au roi ne serait pas prêt à temps.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé.
- ↑ Alfred Desnoyers, frère aîné d’Eugénie et Aglaé.
- ↑ Eléonore Vasseur, épouse d’André Fröhlich.
- ↑ Julien Desnoyers, jeune frère d’Eugénie et Aglaé.
- ↑ Jules Desnoyers.
- ↑ Louise, domestique.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mercredi 9 septembre 1863. Lettre d’Eugénie Desnoyers (Ancy-le-Franc) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_9_septembre_1863&oldid=35269 (accédée le 6 décembre 2024).
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