Mercredi 8 mars 1876
Lettre de Marie et Emilie Mertzdorff (Paris) à leur père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
école pratique des hautes études
zoologie[1]
Paris, le 8 mars 1875.
Mon père chéri,
Voilà bien longtemps que je ne t’ai écrit mais c’est que vois-tu le moment de mon examen approche terriblement et j’ai encore bien des choses à faire. J’ai reçu ma lettre de convocation je suis appelée à passer le 25 Mars ; plus que 17 jours ! C’est un peu effrayant cependant d’un autre côté je voudrais que ce soit déjà fait car il me semble que si je passe l’examen d’écrit je serai sauvée l’oral me fait bien moins peur.
Maintenant que nous savons la date de ce fameux jour ne vas-tu pas penser mon petit père chéri à venir faire un petit voyage à la capitale ? Sais-tu que voilà bien bien longtemps que tu es parti et que nous soupirons après toi ? Le temps va peut-être se remettre au froid, si tu profitais de cette température douce pour te mettre en route hein qu’en dis-tu ? Ce sera si bon de te voir.
Tante[2] va mieux et recommence à sortir cependant il faut encore qu’elle se ménage et la nouvelle que je vais t’apprendre n’est pas précisément faite pour cela.
Figure-toi qu’hier l’architecte rencontrant oncle[3] lui a dit que l’appartement de M. Brongniart[4] allant être libre et comme il ne veut plus loger aucun professeur il veut le donner à oncle puisqu’il y a droit et que cette maison restera toujours, ou bien que celle-ci va être abattue. Juge de notre ennui déménager quitter cette bonne vieille maison si commode, où l’on était si bien installé. N’est-ce pas que cela t’ennuie beaucoup aussi ? maintenant comme il faut toujours voir le bon côté des choses de cette façon oncle a la certitude d’être logé toujours au lieu qu’ici il avait toujours à craindre d’être renvoyé d’un moment à l’autre. Heureusement que ce n’est pas pour tout de suite et que si cela se décide tout à fait nous ne déménagerons qu’à l’automne ou au printemps prochain car je ne crois pas que les Brongniart quittent avant le mois de Novembre.
M. Edwards[5] doit voir M. André[6] aujourd’hui afin de savoir si c’est vraiment sérieux.
Oncle Nous allons dans un instant partir pour le cours ; je ne sais absolument rien. Émilie[7] repasse avec ardeur et depuis ¼ d’heure elle a déjà ouvert son histoire, sa géographie et son arithmétique c’est que ce sont les derniers concours, Mercredi est la distribution des prix ; si tu pouvais être ici ?
Hier Mardi comme tante ne sortait pas nous sommes restées aussi nous avons eu nos leçons comme à l’ordinaire. En ce moment
Je ne connais pas la fin de sa pensée, aussi je ne l’achèverai pas. Tu vois déjà d’après cette horrible écriture au crayon qui me fait enrager comme tu le sais, que je suis au cours et c’est pour cela que Marie t’a quitté si brusquement.
Mon petit papa je suis toute boursouflée par la grande quantité d’histoire, de grammaire, de géographie, d’arithmétique que j’ai avalée cette semaine et je commence à être très inquiète sur la manière dont je le digérerai car vois-tu quand on a trop mangé il en résulte bien souvent une indigestion dont tu connais parfaitement tous les symptômes, aussi je n’irai pas plus loin.
Cette pauvre Marie qui te fait part de toutes ses amitiés n’a pas l’air trop effrayée quoiqu’elle y pense beaucoup.
Jeanne[8] est toujours très contente à sa pension elle ne se plaint que d’une seule chose c’est qu’elle mange seule dans sa chambre parce que les sœurs n’ont pas encore pu obtenir la permission de la faire manger à leur table, mais cela changera évidemment. C’est bien étonnant qu’elle soit si raisonnable.
Comme je suis très étourdie je vais te dire tout de suite ce dont tante m’a chargée. Voudras-tu s’il te plaît prendre dans le bas de la bibliothèque de notre chambre d’étude ou dans le coin de cette bibliothèque et [ ] la méthode d’écriture intitulée je crois méthode [Rouvessier] ou [Roulerane[9]], quelque chose d’analogue enfin. C’est un petit cahier long à couverture grise et tu nous l’apporteras en venant nous voir ce que j’espère ne se fera plus attendre bien longtemps.
Adieu mon bon petit père chéri je t’embrasse bien bien fort ainsi que bon-papa et bonne-maman[10]. Oncle Auguste[11] qui était venu passer quelques jours à Paris avec Paul[12] comme tu as dû le savoir va partir et ce matin il est venu nous dire adieu.
Ta fille Emilie
Notes
- ↑ Papier à en-tête.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Adolphe Brongniart (†).
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Louis Jules André, architecte.
- ↑ Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Jeanne Pavet de Courteille.
- ↑ A titre d’hypothèse : A. Routaboul, Typolégie méthodique, ou Méthode simultanée de lecture, d'orthographe et d'écriture applicable à tous les procédés anciens et nouveaux…, Rodez, 1866.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
- ↑ Charles Auguste Duméril.
- ↑ Paul Duméril, son fils.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mercredi 8 mars 1876. Lettre de Marie et Emilie Mertzdorff (Paris) à leur père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_8_mars_1876&oldid=35252 (accédée le 6 décembre 2024).
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