Mercredi 8 décembre 1880
Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris 8 Décembre 80.
C’est encore moi et mon petit papier, mon Père chéri, tu vois que mes provisions ne se renouvellent pas vite et plutôt que d’attendre j’aime mieux venir encore en cet équipage te dire mon petit bonjour de fille. D’abord je tiens à te remercier de ta lettre qui est venue nous faire à tous les deux[1] le plus grand plaisir, tu es bien bon d’avoir trouvé le temps de m’écrire et je t’en suis fort reconnaissante, du reste une fois à Paris tes lettres font la navette et ne tardent pas à passer de la poche de Marie dans celle d’Émilie[2] ou réciproquement.
Depuis ton départ il ne se passe guère de jour où je n’aille au Jardin passer une heure ou deux auprès de tante[3] ; hier encore j’y ai fait ma petite station habituelle et ce soir nous y dînons.
Tante est beaucoup mieux comme Émilie a dû te le dire ; elle va et vient dans la maison et a repris à peu près sa figure habituelle cependant elle n’est pas encore sortie, elle se prépare de la besogne en dressant ses listes de jour de l’an qui comme toujours sont effrayantes. Ici, rue Cassette, tout marche à merveille ; Marcel travaille à force car il doit terminer ce mois-ci je crois ce qu’il a à faire ; depuis quelques jours il va à la Cour soir et le matin et dans la journée ; il rentre en courant pour ses repas et rapporte même de la besogne pour la soirée ; cette grande activité lui va parfaitement et ne l’empêche pas de se bien porter. Quant à moi je vais toujours supérieurement ; je me fatigue peut-être un peu plus en marchant parce que mon poids augmente mais je suis pleine de santé et de force ; je ne fais pas grand’chose ; mes courses au Jardin où j’ai mon ouvrage, quelques petites visites à notre mère[4], des petits rangements de maison remplissent mon temps ; tu vois qu’il me reste des loisirs pour lire un peu et surtout pour penser beaucoup à notre petit Robert[5] (Si j’écrivais à oncle[6] je dirais ma petite Jeanne quoique moi aussi je croie au garçon). Comme ce sera gentil de l’avoir là près de nous ce petit enfant ! comme il va remplir ma vie ! je t’ai déjà dit cela bien des fois mais je ne puis m’empêcher de revenir sans cesse à mon sujet favori ; je sais que tu me comprends et que par conséquent tu me pardonnes de rabâcher un peu. Mais passons au pratique : as-tu parlé à M. le Curé[7] des ses actions ? Marcel doit aller prochainement chez les Roland[8] et si tu nous le dis il pourra les faire vendre ; du reste, il paraît que ces pauvres papiers baissent tout doucement : de 39 ils sont à 37 ou 34 je crois. 2e commission oubliée par Émilie hier : tante a reçu des coings et serait bien aise d’avoir la recette des pâtes pour utiliser ses fruits ; si Thérèse[9] pouvait te la dicter dans une de tes lettres tante t'en serait reconnaissante. Je pense souvent aux pauvres Henriet[10] et à toi mon cher Père que toutes ces affaires ont dû bien ennuyer et attrister. Je trouve que tu as raison de refuser pour eux l’offre généreuse de tante Z.[11] il faut d’abord les laisser se dépêtrer un peu avec ce qui leur reste et ne pas les habituer tout de suite à compter sur un [supplément].
J’ai reçu la lettre de bonne-maman[12] dont je la remercie beaucoup en l’embrassant.
Adieu, mon Père bien aimé, je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime.
ta fille
Marie
Il fait un vilain temps de brouillard ; j’ai demandé ma lampe à 3h1/2.
Notes
- ↑ , Marie Mertzdorff et son époux Marcel de Fréville.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Sophie Villermé, veuve d’Ernest de Fréville.
- ↑ Robert de Fréville ne sera que le deuxième enfant de Marie Mertzdorff ; l’enfant à naître est Jeanne de Fréville.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards ?
- ↑ Louis Oesterlé.
- ↑ La famille Roland-Gosselin.
- ↑ Thérèse Neeff, gouvernante chez Charles Mertzdorff.
- ↑ La famille de Louis Alexandre Henriet.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel et sœur de Charles Mertzdorff.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mercredi 8 décembre 1880. Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_8_d%C3%A9cembre_1880&oldid=35240 (accédée le 14 novembre 2024).
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