Mercredi 7 novembre 1877

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1877-11-07 pages 1-4.jpg original de la lettre 1877-11-07 pages 2-3.jpg


Paris 7 9bre 1877.

J’ai attendu l’heure de la poste pour me mettre à t’écrire, car j’espérais, mon Père chéri, que j’allais t’exprimer ma joie et t’embrasser pour la dernière fois par lettres. Hélas ! il n’en est rien ; pas de nouvelles aujourd’hui encore ; hier, rien non plus. Que nous faut-il penser ? Le temps passe, plus que 12 jours jusqu’au 19 ! Aurais-tu retardé ton voyage ? Hier Mme Léonce Berger[1] est venue, nous n’y étions pas, mais elle a demandé si tu étais là et a dit que d’après les lettres qu’elle avait reçues tu ne devais pas tarder d’arriver. Que faut-il croire ? tu nous vois dans l’incertitude la plus complète et bien désireuses d’en sortir si au moins la solution est heureuse pour nous. Depuis Dimanche tous les matins je t’attends ; au moindre bruit je me réveille en sursaut persuadée que c’est toi, enfin tu me fais faire des rêves affreux. Ah ! vilain petit papa ! nous y comptions bien sur la lettre de ce matin. Tu sais une dépêche nous suffit, elle ne nous effrayera pas.
Lundi Emilie[2] t’a donné de nos nouvelles mais sa lettre oubliée ici par ma faute a été portée très tard seulement au grand bureau ; l’as-tu reçue Mardi ? Sinon, gronde-moi sur mon étourderie ; j’oublie tout en ce moment, c’est désolant.

Hier nous avons eu une journée des mieux remplies ; le matin, Mlle Duponchel[3], puis Mlle Bosvy Poggy[4] et enfin Mlle Bosvy[5], en même temps que cette dernière Hortense[6] et sa tante[7] sont arrivées de sorte qu’il nous a fallu beaucoup de raison pour prendre sagement notre leçon. Hortense va bien et est contente de l’emploi de ses vacances ; les 6 jours surtout qu’elle a passés à Mirecourt l’ont ravie. Elle peint toujours ce qui l’amuse énormément et fait beaucoup de littérature.

A 3h1/2 nous sommes parties en même temps que nos visites et nous avons été chez Mlle Viollet qui finissait les leçons d’histoire de l’Eglise qu’elle avait commencées avant les vacances ; cela a duré une heure, puis Mme Arnould[8], Mme Baudrillart[9] et tante[10] se sont mises à causer et se sont si bien oubliées qu’elles sont restées ensemble près d’une heure ; elles traitaient de grandes questions à savoir ce qu’on ferait cette année. J’avais toujours espéré pouvoir faire la même chose qu’elles[11], mais je vois qu’elles sont bien décidées à essayer dans 2 ou 3 ans l’examen supérieur et que dès cette année elles vont s’y préparer. Je les trouve bien heureuses de travailler encore avec un but et je comprends bien qu’elles prennent ce parti-là. Tout ce que je déplore c’est de ne pouvoir les suivre, et je le déplore bien franchement ; c’eût été si amusant de continuer à travailler ensemble ! Dans tous les cas nous allons reprendre nos réunions de couture et dès aujourd’hui nous irons chez Mme Arnould ; je regrette bien que cela n’ait pas pu s’arranger ici à cause de tante qui va se fatiguer encore un peu plus, mais c’est à cause d’Henriette.

J’irai aussi cette après-midi chez M. Flandrin[12] ; c’est ma dernière leçon. Au revoir ou adieu mon Père chéri ? J’espère que demain nous le saurons et j’espère plus encore que c’est à bientôt qu’il faut te dire.
Quel bonheur de t’embrasser pour vrai ! En attendant je le fais encore pour semblant et aussi fort que je le peux.
ta fille qui t’aime de tout son cœur,
Marie


Notes

  1. Julie André, épouse de Léonce Berger.
  2. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  3. Marie Louise Duponchel, professeur de dessin.
  4. Mademoiselle Poggy, professeur de piano.
  5. Marguerite Geneviève Bosvy.
  6. Hortense Duval.
  7. Constance Prévost, épouse de Claude Louis Lafisse.
  8. Paule Baltard, épouse d’Edmond Arnould.
  9. Félicité Silvestre de Sacy, épouse d’Henri Baudrillart.
  10. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  11. Paule Arnould et Henriette Baudrillart.
  12. Le peintre Paul Flandrin donne quelques leçons à Marie Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 7 novembre 1877. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_7_novembre_1877&oldid=35233 (accédée le 15 novembre 2024).

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