Mercredi 2 avril 1873

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)


original de la lettre 1873-04-02A pages2-3.jpg


Vieux-Thann le 2 Avril 73.[1]

L'heure à laquelle je t'écris ma chère petite fille & amie me dit que vous[2] êtes en ce moment rue de Seine[3] à vous disputer cachets roses & verts. La moisson aura t-elle été bonne ? c'est ce que la 1re lettre me dira.

En arrivant à Vieux-Thann j'ai trouvé vos 2 bonnes lettres, je crois inutile de vous dire qu'elles m'ont fait plaisir. Elles me permettent de vous suivre de loin & comme bonne-maman[4] n'est pas fâchée de vous lire, elles sont en ce moment à Morschwiller où chacun veut savoir ce que vous faites.

Comme vous avez pu voir par ma dernière notre voyage[5] à Léon[6] & à moi s'est fait assez lestement. La fatigue des 2 derniers jours a fait qu'une fois à Morschwiller j'ai dû me reposer un peu & n'ai fait qu'un petit tour à la fabrique. Mardi j'ai encore dîné à Morschwiller & ne suis arrivé ici qu'à 3h par le convoi que prend habituellement Léon lorsqu'il vient à Vieux-Thann. L'on ne nous attendait pas de sorte que j'ai laissé mon petit bagage à Lutterbach pour le passage de Louis ou Stéphane[7] & de la gare de Thann & à travers une odeur épouvantable de chlore & d'acide Kestner[8], nous, Léon & moi, nous sommes arrivés à pied surprendre tout le monde, même nos deux bonnes cigognes, qui sur leur nid avaient l'air fort étonnées de nous voir.

Les bonnes bêtes sont chez elles depuis une quinzaine, comme celles de Morschwiller.

Nanette et Thérèse[9] qui ne m'attendaient que pour Aujourd'hui n'ont pas été fâchées de me voir, elles ont toutes deux bonne mine, l'on voit que le travail ne les fait pas maigrir. La nièce de Nanette, toute jeune fille d'une quarantaine d'année, belle comme a dû l'être dans son bel âge Mme Fraesch[10] orne la maison depuis une 15aine & en attendant une place elle restera avec sa tante. Si elle n'est ni jeune ni jolie & elle est bien tranquille & ne remplit guère la maison, car sauf le moment de mon arrivée je ne l'ai jamais revue.

J'ai trouvé la maison comme je l'avais laissée, tout en parfait ordre.

Nous passons notre soirée dans le petit salon de petite mère[11] & ma nuit dans mon ancien lit. Je serais à côté de mes petites filles si leurs lits n'étaient pas vides.

Depuis que j'ai quitté Nancy le temps est superbe, le soleil chaud fait éclore tous les bourgeons ; aussi n'ayant plus besoin du meuble si utile lorsqu'il pleut, je l’ j'ai laissé mon parapluie continuer sa route vers Strasbourg, tandis que je quittais le train à Lunéville.

La végétation n'est pas tout à fait aussi avancée, ici qu'à Paris, cependant j'ai trouvé le lilas avec ses petites feuilles, le Marronnier tout vert & le Magnolia avec toutes ses belles fleurs blanches. Dans les prés de Morschwiller la marguerite blanche & la primevère jaune m'ont ravi au point que j'en ai fait un bouquet. Mais pour qui, puisque je suis seul ici. Hier au soir Stern[12] m'a préparé un bain qui m'a fait beaucoup de bien en me délassant complètement.

Ce matin attendant mon déjeuner j'étais fort surpris de voir Stern & Jeangele[13] bêchant au Jardin, qui mieux mieux. le Jardinier[14] fait tourner une partie du gazon. L'on est bien avancé dans les travaux qui se font au jardin ; mais si le Jardinier est un bon travailleur tranquille & bien assidu au travail, il n'est pas très fort pour sa serre. Les pauvres Camélias sont bien malades, les Azalées ne sont guère mieux, mais cela n'est qu'un petit détail sans importance.

Si la végétation est avancée, le Rosberg & le Ballon le sont moins, les 2 sont encore bien blancs.

L'oncle Georges & tante[15] vont bien. M. Barbé n'est pas encore de retour. Je ne sais encore rien de vos amies Berger[16] qui sont encore à Kientzheim. Je n'ai pas encore vu M. Conraux[17]. Tu voudras bien Embrasser pour moi Oncle & tante[18], Jean[19] & ta petite sœur[20]

une bonne petite amitié à Cécile[21] de ton père & ami

Charles M

J'oubliais de vous dire qu'Aujourd'hui Mercredi Léon est allé à Mulhouse il va rentrer ce soir & soupera avec moi.


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Marie Mertzdorff et sa petite sœur Emilie.
  3. Au cours des Dames Boblet.
  4. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  5. Voyage à Senones, dans les Vosges.
  6. Léon Duméril.
  7. Louis et Stéphane, domestiques chez les Mertzdorff.
  8. La fabrique de produits chimiques Kestner-Risler.
  9. Annette et Thérèse Neeff, domestiques chez les Mertzdorff.
  10. Mme Fraesch : possiblement Mme Fresch, laveuse pour les Mertzdorff.
  11. Eugénie Desnoyers (†), épouse de Charles Mertzdorff.
  12. Stern, domestique chez les Mertzdorff.
  13. Le jeune Jean, domestique chez les Mertzdorff.
  14. Édouard Canus.
  15. Georges Heuchel et son épouse Elisabeth Schirmer.
  16. Marie et Hélène Berger, au pensionnat du Sacré-Cœur de Kientzheim.
  17. Le docteur François Joseph Conraux.
  18. Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
  19. Le petit Jean Dumas.
  20. Emilie Mertzdorff.
  21. Cécile, bonne des petites Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 2 avril 1873. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_2_avril_1873&oldid=60309 (accédée le 21 décembre 2024).

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