Mercredi 28 octobre 1903

De Une correspondance familiale



Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Douai), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (hors de Paris)


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Douai, 28 8bre[1]

Ma chère Marie,

C’est vraiment trop gentil à toi de m’avoir écrit en chemin de fer. Je vois que tu as passé toute une semaine à Paris et je suis contente que tu aies pu en profiter pour bien voir ta grande fille[2]. Je ne m’étonne pas que tu n’aies pas eu le temps d’aller voir Jacques[3], ces heures de parloir sont vraiment stupides et je serais d’autant plus désolée que tu t’imposes l’obligation d’aller le voir que le cher garçon n’est plus du tout le petit élève malheureux de l’an dernier. Ses lettres sont pleines d’entrain et, dans la dernière où il nous faisait une description humoristique des « divertissements » qu’on lui offre tout le long du jour, il ajoutait : « Ne croyez pas que je vous dis cela pour me plaindre, c’est seulement pour vous faire rire, car si je ne m’amuse pas follement, je ne m’ennuie pas non plus. » Il est content de ses professeurs et sent qu’il travaille bien. Il a d’ailleurs déjà obtenu quelques résultats de nature à l’encourager. Je ne saurais te dire combien cela me rend heureuse de lui voir prendre ainsi sa nouvelle vie, je craignais que l’internat sévère de la rue des Postes lui paraisse dur après la liberté dont il avait joui. Damas[4] est allé le faire sortir aujourd’hui : il peut prendre à volonté une demie sortie de 10h1/2 à 5h (c’est ce qu’il fera aujourd’hui) ½ sortie de 4h à 9h1/2 du soir ou une sortie complète de 10h1/2 à 9h1/2 et peut les placer n’importe quel Mercredi.

J’ai bien envie d’aller la semaine prochaine voir Marthe[5] et le faire sortir le Mercredi. Marthe et ses mères[6] arriveront probablement le 3 ou 4. Tu serais rentrée aussi, je profiterais donc de tout le monde. Si tu ne peux pas facilement me donner l’hospitalité, rien ne m’empêche de coucher avec Marthe, cela ne nous gênerait ni l’une ni l’autre.

Mon pauvre mari a été tout souffrant depuis Vendredi ; à peine remis d’un très violent trouble intestinal, il a voulu aller à Campagne Samedi, et est revenu assez fatigué Dimanche. Il est à peu près remis mais a encore mauvaise mine et je ne suis pas sans quelque crainte de le voir voyager encore aujourd’hui. Il revient ce soir même trouvant cela presque moins fatigant.

Madeleine[7] a commencé hier soir à suivre la retraite chez les Dames de Flines. Lucie[8] ira en Décembre à celle des enfants de Marie dont elle va faire partie. C’est une association organisée à Saint-Jacques pour toute la ville, mais il faut avoir 17 ans pour y être admise.

Je fais, comme toi, des arrangements dans la maison. Françoise[9] va coucher en haut dans la chambre au-dessus de la chambre d’Amis ; nous divisons cette chambre en deux avec une cloison en fibro-ciment, afin que je conserve la libre disposition de mon ma grande armoire à robes. Michel et Pierre[10] occuperont la chambre de Françoise que nous allons faire communiquer avec la nôtre par une porte, à la place de mon chiffonnier. Louis[11] aura la chambre qui sert de passage.

Je suis bien contente de ce que tu me dis d’Hélène[12]. J’étais loin d’être satisfaite de sa mine cet été ; je la trouvais fatiguée, voûtée, et elle-même avouait qu’elle n’avait pas ses forces d’autrefois.

Je fais bien des vœux pour qu’on permette à Marthe de partir. Jean penche évidemment pour le parti radical de rester en France, mais il m’a aussi parlé de 5 jours de séjour pour tout l’hiver. Ce serait une séparation bien trop longue et bien trop complète. Ah ! les années ne le vieillissent pas, notre bon Jean ! Marthe viendra sûrement ici si elle ne part pas le 12 pour la Tunisie et je crois bien que ce changement lui sera bon. Je la plains de toute mon âme la pauvre petite. Et ces ennuis de femme de chambre encore en plus !

J’ai reçu hier un bon petit mot de tante Marie[13].

Adieu, ma chérie, je vais promener mes filles[14] et t’embrasse bien vite ainsi que les tiennes[15].

On a envoyé à Marie-Thérèse un portrait du lapin chéri et de l’une de ses mères.

Émilie      


Notes

  1. Cette lettre du 28 octobre peut être datée de 1903, année des 17 ans de Lucie Froissart, née le 4 juillet 1886.
  2. Jeanne de Fréville, épouse de René du Cauzé de Nazelle.
  3. Jacques Froissart, pensionnaire à l'École Sainte-Geneviève (Paris).
  4. Damas Froissart (le « pauvre mari »).
  5. Marthe Pavet de Courteille, épouse de Jean Dumas.
  6. Sa mère Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille, et sa belle-mère, Cécile Milne-Edwards, veuve d'Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  7. Madeleine Froissart.
  8. Lucie Froissart.
  9. Françoise Maurise Giroud, veuve de Jean Marie Cottard.
  10. Michel et Pierre Froissart (12 et 10 ans).
  11. Louis Froissart, 8 ans.
  12. Hélène Duméril, épouse de Guy de Place.
  13. Marie Stackler, veuve de Léon Duméril et mère d'Hélène Duméril.
  14. Lucie et Madeleine Froissart.
  15. Marie Thérèse et Françoise de Fréville (Jeanne est mariée).

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Mercredi 28 octobre 1903. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Douai), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (hors de Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_28_octobre_1903&oldid=56415 (accédée le 15 novembre 2024).

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