Mercredi 25 et jeudi 26 octobre 1876

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)

original de la lettre 1876-10-26 pages 1-4.jpg original de la lettre 1876-10-26 pages 2-3.jpg


Jeudi 26 8bre 76.

Ma chère Marie

Il me serait bien difficile de dire s’il y a peu ou longtemps que je ne vous ai plus donné de mes nouvelles. Dans le doute j’écris.
Par ce temps de brouillard, les plaisirs sont rares & je t’écris. Je t’écris enfin, pour t’embrasser en pensée. Car franchement je suis si pauvre en nouvelles que si je n’avais qu’elles à t’adresser, je serais pauvre lettre.

Tu sais déjà que Dimanche nous avons tous dîné au Moulin[1] & qu’après j’ai passé ma soirée à Thann n’ayant pas rencontré les Henriet, avec sœur Bonaventure ; puis chez l’oncle[2] jusqu’à 6 h. J’y ai trouvé Mme Berger[3] qui a ses filles[4] à Oberbruck[5] où elles sont encore aujourd’hui. Il me semble t’avoir écrit tout cela.

Lundi l’on vient nous dire que dans la journée de Dimanche l’on a volé au pressoir du vin doux. Il n’y avait ce jour personne dans la cour que quelques maçons &. Cependant mon Oncle n’a pas été long à trouver le voleur. C’est dans la remise aux voitures dans l’une des voitures même qu’il a trouvé le vin. le voleur était pris & Vogt[6] a son compte pour la fin du mois prochain. Cela se sait déjà & les offres de cocher pleuvent. Ce même jour Léon[7] était à Montbéliard & a acheté une paire de chevaux bruns qui doivent nous arriver pour le milieu du mois prochain. La propriétaire, qui est veuve depuis peu, veut encore les garder jusque là.
Voilà déjà un grand évènement qui a fait plus de bruit qu’il ne mérite. Depuis j’ai appris que Vogt a volé aux prussiens, lorsqu’ils nous ont envahis en si grand nombre, leur première visite, lorsqu’ils allaient à Belfort, de malheureux souvenir ! je dis il a volé 50 bouteilles d’Eau-de-vie qui se trouvaient sur l’une des Voiture. cela pouvait me coûter cher. Enfin je suis heureux de la circonstance pour m’en débarrasser.

Mme Zaepffel[8] me donne de bonnes nouvelles de Nancy, ils vont bien & d’après Henriet[9] qui vient de me voir ils ont tous deux bonne mine. Edgar remplit en ce moment les fonctions de secrétaire général ce qui lui va bien, car il ne craint pas un peu de travail. leurs visites vont les quitter fin de la semaine, ma sœur n’en est pas fâchée, car ce sont de vrais enfants gâtés, le mari & femme.

Henriet me dit que Mme Zurcher[10] va mieux, il n’y a plus d’inquiétude à avoir, ce ne sont plus que des soins & du temps. Je n’ai pas vu ni sa femme[11] ni ses filles[12]. Il a passé cet été 15 jours à Metz chez un Cousin avec ses deux filles, dans un vrai château, vie de château etc. aussi la jeunesse s’est-elle bien amusée.
Ce pauvre ami n’a pas embelli il n’a pas un poil de plus mais bien quelles rides... il est si maigri et si chétif.

Mardi j’ai eu la famille à dîner ici. Mon oncle a bien voulu être des nôtres de sorte que nous étions 8 à table. Bonne-Maman[13] présidait & était bien contente de se voir si entourée. Nanette[14] y a mis tout son art & l’on était gai. Au billard l’on a séjourné assez longtemps, en me quittant, les Messieurs[15] ont fait une promenade à Roderen & bonne-maman est rentrée soigner son raisiné. c’est la seule confiture de cette année avec le cynorrhodon[16] qui abondait & cependant se vendait très cher.

Si je ne t’ai pas fait adresser d’Eau de Bussang c’est que je ne voulais pas encore donner à Aglaé[17] l’embarras durant le déménagement ; mais je viens d’écrire & je pense que l’on exécutera mes ordres. j’ai prié que l’on fasse de petites caisses pour que ce soit plus maniable. J’ai demandé 100 bouteilles.

Aujourd’hui Mercredi soir, Léon[18] est à Mulhouse & je vais souper seul, Georges[19] est au moulin tous les soirs.


Notes

  1. Le Moulin où vivent Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  2. Georges Heuchel (« mon Oncle »).
  3. Joséphine André, épouse de Louis Berger.
  4. Marie, Hélène et Julie Berger.
  5. Oberbruck, commune du Haut-Rhin, arrondissement de Thann-Guebwiller.
  6. Ignace Vogt, cocher de Charles Mertzdorff.
  7. Léon Duméril.
  8. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel et sœur de Charles Mertzdorff.
  9. Louis Alexandre Henriet.
  10. Probablement Marie Henriet, épouse de Léopold Zurcher.
  11. Célestine Billig, épouse de Louis Alexandre Henriet.
  12. Gabrielle et Jeanne Henriet.
  13. Félicité Duméril épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  14. Annette, cuisinière chez Charles Mertzdorff.
  15. Probablement Léon Duméril, Georges Duméril, Paul Duméril et son père Charles Auguste Duméril.
  16. Charles Mertzdorff écrit : « quinérodon ».
  17. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  18. Léon Duméril.
  19. Georges Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 25 et jeudi 26 octobre 1876. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_25_et_jeudi_26_octobre_1876&oldid=57400 (accédée le 26 avril 2024).

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