Mercredi 24 juin 1874 (A)

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)


original de la lettre 1874-06-24A pages 1-4.jpg original de la lettre 1874-06-24A pages 2-3.jpg


Chère Marie

Je pensais mettre un petit mot à la poste hier, pour vous dire que nous avons fait très bon voyage[1], bonne-maman[2] & moi. Mais j'ai compté sans mon ami Barbé qui descendait du même Wagon que moi pour venir me voir, il me croyait ici depuis Samedi & venait dîner avec moi. Les heures se sont passées sans que j'aie pu trouver un moment.

Nous avons été nombreux dans notre compartiment & entre autre italien mal appris qui était compagnon peu agréable. Quoique cela j'ai dormi quelques heures & ne me sentais pas du tout fatigué en arrivant.

Bon-papa[3] attendait sa femme à la gare, bonne-maman aussi a dormi un peu, cependant elle n'avait pas trop bonne mine en arrivant & son mari ne lui en a pas fait compliment, elle avait l'air fatiguée, était pâle & contente d'être arrivée.

J'ai pris ma tasse de café traditionnelle au buffet de la gare au milieu des peintres colleurs, Menuisiers etc. Mais j'avais bon appétit & toute cette société ne m'a pas empêché d'absorber plusieurs petits pains.

J'avais largement le temps, mais je pensais à tout autre chose qu'à prendre mon billet pour Thann & peu s'en fallait que je me serais fait mettre à l'amende de quelques Thalers. J'ai pu revenir sur mes pas prendre mon billet.

Le temps nous a favorisés, il n'a pas fait trop chaud & même vers 3h du matin la couverture n'était pas de trop. A Belfort l'on s'arrête longtemps & à Montreux vieux, douane, plus longtemps encore. A Mulhouse j'avais plus d'une demie heure ce qui est bien suffisant comme tu vois.

Je n'ai pas vu Léon[4] qui avait hier à aller à l'enterrement du mari de Mlle Koechlin Steinbach[5], dame qui je le crois a été élevée par l'ancienne institutrice des petites Berger[6] (Mlle Augusta[7] ?) il n'y a pas un an qu'elle est mariée.

Comme je m'y attendais j'ai trouvé l'Oncle Georges[8] absent depuis la veille. Par contre j'ai fait ma visite à Tante Georges[9] que j'ai trouvée en parfaite santé. Elle a réellement bonne mine. Je lui ai remis la petite image d'Émilie[10] ce qui lui a bien fait plaisir.

Je n'ai pas encore vu grand chose de la fabrique & ne suis pas encore bien renseigné sur ce que l'on a fait pendant ce mois d'absence, n'étant pas encore sorti du bureau.

Tout le long de la route, j'ai trouvé la campagne assez belle surtout en Alsace l'on est en ce moment en pleine fauchaison qui rend très peu. A peu près moitié des autres années. Ces derniers jours il a fait orage sur orage, ce qui a retardé la rentrée du foin mais fait grand bien au reste. La vigne est en fleur. De loin le Jardin me paraît beau.

De la maison je n'ai que peu à vous dire, la lessive me paraît rentrée à voir mes propres piles de chemises. Nanette[11] n'était pas de trop mauvaise humeur & c'est à peine si j'aperçois Thérèse[12]. La maison est bien luisante & l'on me dit que Georges[13] n'a pas fait grand bruit dans la maison pendant qu'il était seul. Se couchant de bonne heure & se levant tard. ce qui n'est pas tout à fait ce qu'il faudra pour satisfaire MM. les Juifs allemands.

Je crois qu'il quittera ce soir ou demain pour aller à Paris auprès de son père[14], il y restera quelques semaines.

Le travail a repris un peu plus d'activité depuis quelques jours ce qui nous réjouit bien tous & je n'ai pas trouvé dans la correspondance du mois beaucoup de lettres désagréables.

Aujourd'hui Mercredi je n'irai pas à la bourse[15] mais y enverrai M. Jaeglé[16] qui s'y trouvera avec Léon.

Mais je vois qu'il est 10h & qu'il est temps de faire encore avant midi un tour à la fabrique, ce n'est guère qu'en voyant par moi-même que je saurai ce que je désire savoir.

Je vous embrasse bien toutes deux ainsi que tante & Oncle[17], tu voudras bien ne pas m'oublier auprès de Cécile[18]

tout à toi Charles Mff

24 Juin 74.


Notes

  1. Charles Mertzdorff rentre d’un séjour d’un mois à Paris.
  2. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  3. Louis Daniel Constant Duméril.
  4. Léon Duméril.
  5. Hélène Koechlin, qui a épousé Jules Adolphe Kullmann en 1870.
  6. Marie et Hélène Berger, amies de demoiselles Mertzdorff.
  7. Marie Auguste Eschbaecher.
  8. Georges Heuchel.
  9. Élisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  10. Émilie Mertzdorff a fait sa première communion.
  11. Annette, cuisinière chez Charles Mertzdorff.
  12. Thérèse Neeff, domestique chez Charles Mertzdorff.
  13. Georges Duméril.
  14. Charles Auguste Duméril.
  15. La Bourse de Mulhouse.
  16. Frédéric Eugène Jaeglé.
  17. Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.
  18. Cécile, bonne des demoiselles Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 24 juin 1874 (A). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_24_juin_1874_(A)&oldid=61963 (accédée le 15 novembre 2024).

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