Mercredi 23 février 1881

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff et son époux Marcel de Fréville (Paris)


original de la lettre 1881-02-23 pages 1-4.jpg original de la lettre 1881-02-23 pages 2-3.jpg


Mercredi [22][1] février 81.

Mes chers enfants comme il y a fort longtemps que je ne me suis plus entretenu avec ma Marie chérie & son Marcel bien aimé, je viens faire mon Mea Culpa & réparer autant que faire se peut cet accès de grande paresse.

A Marie j’ai à adresser bien des remerciements pour ses bonnes lettres & à Marcel de la peine qu’il s’est donné pour la famille Bobé[2] qui attendra en vain son débit de Tabac, puisqu’il est refusé il faut en prendre son parti & il me semble que Marcel n’a plus rien à faire. Encore merci.

Si tu savais ma chère Marie combien je suis heureux lorsque je lis dans vos lettres que toi tu vas si bien, que ta santé est toujours si bonne ; ta quiétude m’enchante & j’attends de pied ferme mon beau & grand titre de grand-père ; si je tiens au gamin, la bambine[3] s’il y en a ne sera pas moins bien reçue ; cependant je donnerais bien des mois de ma vie pour avoir seulement six semaines de plus & être aussi tranquille que je le suis aujourd’hui.

Il y a 8 jours déjà que j’ai une petite boîte donnée par sœur Bonaventure pour Mme de Fréville[4] contenant trois ouvrages faits de ses propres mains. la bonne dame s’excuse ne n’avoir pas su mieux faire, mais elle tenait à ce que ton enfant ait quelque chose fait par elle-même, prétendant que cela lui portera bonheur ; en effet une sœur [Oberinne] doit avoir quelque pouvoir. L’intention est certainement bien bonne, mais le goût en est tout Germanique ; enfin cela complétera la collection de toutes les confections que M. ou Mlle possède déjà.
Dans sa dernière Émilie[5] s’étonne de ce que je ne parle pas encore d’aller vous rejoindre, mais cela dépend tout à fait du bébé & dès qu’il me dira qu’il compte montrer son nez je prends le Chemin de fer car je tiens à rester un mois à paris après sa venue, & le moins possible avant, d’autant que je suis pas mal occupé par la fabrique qui ne fait pas merveille depuis bien longtemps, il faudrait chercher autre chose & cela n’est pas si facile car il faut que cela entre dans notre industrie.

Tout le monde va bien [ ] bon-papa[6] vient de me dire qu’il a reçu une lettre de Saint-Brieuc, Mme Auguste[7] a une fluxion de poitrine sérieuse, il paraît que lorsque l’on a écrit la lettre, elle allait déjà un peu mieux, tu comprends que bonne-maman[8] est inquiète. La voilà avec une nouvelle frayeur, sa bonne Claudine[9] habite avec son mari la loge du Moulin, hier dans la journée l’on a dû entrer par une fenêtre & ouvrir son armoire pour voler 200 F qui se trouvaient dans une cassette. l’on a respecté, montre, bagues, boucles, etc. qui étaient sur la commode, se contentant de l’argent sans le contenant. A mon avis c’est difficile à comprendre & j’ai peine à croire à cette vérité. Je juge mal la jeune personne, un peu parce que ses parents[10] ne valaient pas grand chose. Ne pas parler dans ta lettre de mes réflexions que j’ai déjà faites à Léon[11] & Bon-papa si tu veux que le moulin te lise.

De Nancy j’ai une lettre écrite par ma sœur[12] même, mais une écriture assez difficile à lire & elle me dit qu’elle fait de grands efforts pour arriver à se faire lire, elle souffre encore & une partie de la journée elle a encore son bras dans un appareil ; ce sera sans doute encore assez long jusqu’à parfaite guérison. Edgar ne va pas mal.

De Vieux-Thann rien de particulier les santés sont bonnes. Marie Léon[13] ne va pas trop mal & Hélène a une mine superbe & bavarde comme une pie. Sa mère[14] est à Paris en ce moment, mais probablement pour moins de temps qu’elle ne le pensait, car sa sœur[15] à Nancy est à ce qu’il paraît au plus mal. Notre sœur Marie Félicie des écoles est malade depuis quelques semaines à garder le lit.

Notre docteur[16] ne suffisant plus a fait arriver un jeune médecin pour l’aider & lui permettre de passer sa thèse de docteur du Kreis. Pour commencer l’on lui demande à faire un plan d’un hôpital de 200 lits, il a pour cela 6 semaines, à donner tout le développement que le sujet comprend. Plus tard il aura un autre travail d’autant & ce n’est que s’il a passé ces deux épreuves qu’il sera entendu à l’oral. Il paraît que l’on est très exigeant. & c’est principalement pour faire ce travail qu’il a demandé un aide au grand déplaisir des habitants. Grâce à l’hiver l’hôpital n’a pas progressé & cependant les gelées y ont fait des dégâts qu’il s’agit de réparer.

A ses moments de liberté que lui laisse son ménage Thérèse[17] fait des chemises pour [tout] l’hôpital, heureusement qu’elle ne se ressent plus de sa maladie du foie. Tous deux recevez mes plus tendres baisers
votre père ChsMff

Je sais que chez les Berger[18] l’on est toujours très heureux, l’on dit du bien du jeune homme qui est intelligent & actif. Hélène[19] doit aller à Paris un de ces jours pour faire un séjour & l’éloigner un peu des fiancés.


Notes

  1. Le 22 février 1881 est un mardi.
  2. Voir la lettre du 11 février.
  3. Marie accouchera le 19 mars d’une petite Jeanne de Fréville.
  4. Marie Mertzdorff.
  5. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  6. Louis Daniel Constant Duméril.
  7. Eugénie Duméril, veuve d’Auguste Duméril.
  8. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril et sœur d’Eugénie.
  9. Claudine Bueb, épouse de Philibert Kippelen.
  10. Thiébaud Bueb et son épouse Marie Ursule Dirrig.
  11. Léon Duméril.
  12. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  13. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril et mère d’Hélène Duméril.
  14. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
  15. Joséphine Hertzog, épouse de Jean Paulin Émile Borel.
  16. Louis Disqué.
  17. Thérèse Neeff, employée par Charles Mertzdorff comme gouvernante.
  18. Marie Berger va épouser Paul Henri Rich.
  19. Hélène Berger.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 23 février 1881. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff et son époux Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_23_f%C3%A9vrier_1881&oldid=41173 (accédée le 21 novembre 2024).

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