Mardi 22 et mercredi 23 février 1881
Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
22 Février 81.
Mon cher Papa,
Cette lettre ne pourra plus partir aujourd’hui, mais je tiens cependant à la commencer ce soir afin de prendre bien le temps de causer tout à mon aise avec toi, ce qui ne m'arrivera plus beaucoup de fois peut-être avant que je ne te voie pas. J’ai passé une grande partie de ma journée au Jardin et nous espérions Émilie[1] et moi que l’une allait donner à l’autre de tes nouvelles ; aussi avons-nous dit en chœur : as-tu reçu une lettre de Père ? et malheureusement deux réponses négatives ont suivi les questions. Je pense que ce petit silence de notre Papa n’a lieu que parce qu’il veut dans sa prochaine lettre pouvoir nous parler de son voyage et qu’il veut avant fixer à peu près la date de son départ. Voyons mon bon Père, ne peux-tu pas venir commencer le carême avec nous ? Tu sais que bébé[2] peut arriver la semaine prochaine ou au moins la suivante et que tu n’as plus trop de temps.
Mercredi 2h. Me voilà de nouveau auprès de toi, mon cher Papa. Ma lettre a été interrompue hier par l’arrivée de notre mère[3] qui dînait avec nous, et aujourd’hui je t’écris pendant que toute la famille entoure Jeanne Duval ou pour parler plus exactement, Mme Leblond[4] à l’heure actuelle. Marcel[5] s’est chargé de représenter le ménage à cette cérémonie, cela m’ennuyait trop de me faire faire un chapeau && pour ce seul jour et comme je n’ai pas fait une visite de l’hiver il s’en suit que mes toilettes sont des plus modestes ; mon gros manteau de drap et mon chapeau de tous les jours qui est fané maintenant auraient fait un triste effet. Tu comprends que je n’ai pas avoué ma misère et que j’ai dit simplement que je craignais la chaleur et une trop grande fatigue ; c’est peut-être un peu vrai cependant je me sens singulièrement solide et j’ai une mine à donner envie à tout le monde. Ce soir nous dînons au Jardin avec les de la Serre[6]. Ma bonne sœur Louise se porte toujours à merveille malgré les fatigues sans nombre qu’elle prend chaque jour. Sa bonne va mieux mais ne peut lui rendre encore que de bien minces services ; elle ne sort pas et n’a même pas la force de porter l’enfant. Louise est donc forcée d’accompagner tous les jours son petit monde[7] à la promenade, d’être sans cesse à la disposition du bébé dont elle est la nourrice, de faire travailler et de conduire le grand à ses leçons, d’être occupée et tourmentée par les 2 moyens, enfin de brocher le tout de courses indispensables et de visites. Avec cela elle est fraîche et rose, engraisse et dit qu’elle ne se sent nullement fatiguée. C’est admirable !
Je voudrais bien être un jour comme elle. Adieu, mon cher Papa, à bientôt, n’est-ce pas ? en attendant je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime.
ta fille
Marie
Quand décidément faut-il faire tailler notre vigne ?
J’embrasse bien fort bon-papa et bonne-maman[8] ; je vais tâcher de leur écrire ce soir ou demain.
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Jeanne de Fréville naîtra le 19 mars 1881.
- ↑ Sophie Villermé, veuve d’Ernest de Fréville.
- ↑ Jeanne Duval épouse Charles Gaston Leblond.
- ↑ Marcel de Fréville, époux de Marie Mertzdorff.
- ↑ Roger Charles Maurice Barbier de la Serre, son épouse Louise de Fréville.
- ↑ Louis, Etienne, Maurice et le bébé René Barbier de la Serre.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 22 et mercredi 23 février 1881. Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_22_et_mercredi_23_f%C3%A9vrier_1881&oldid=59317 (accédée le 11 novembre 2024).
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