Mercredi 20 avril 1881

De Une correspondance familiale


Lettre d’Émilie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1881-04-20 pages 1-4.jpg original de la lettre 1881-04-20 pages 2-3.jpg


20 Avril 1881

Mon bon père chéri,

Comment vas-tu ? je serai bien contente d’avoir de tes nouvelles car, quoique j’aie reçu ta dernière lettre Vendredi, il me semble qu’il y a très longtemps que je n’ai pas vu ton écriture ; les changements de résidence font toujours paraître le temps plus long. Ici nous allons tous très bien ; nous nous sommes donné un mouvement insensé Dimanche et Lundi, jouant depuis le matin jusqu’au soir aux quilles, aux boules, au croquet, à l’arc, nous avons scié du bois, nous sommes allés nous promener, enfin nous avons tant couru et tant remué que nous en étions absolument courbaturés hier, Marthe[1] et moi nous ne pouvions plus remuer nos bras tant nos épaules étaient endolories, mais tu sais que le meilleur remède pour guérir les courbatures est de ne pas les écouter, aussi avons-nous passé notre matinée à faire de grands arrangements dans le salon. L’humidité avait fait tomber une partie du papier qu’oncle[2] a dû recoller, nous avons essuyé tous les meubles qui étaient couverts de moisissure et balayé toute la pièce. Nous avons voulu faire du feu, mais la cheminée était si bien bouchée par une quantité de détritus de toute espèce, que toute la fumée passait par la chambre, à force de travail et de persévérance, oncle a pu la déboucher et le soir nous avions un feu magnifique.

Après le déjeuner nous avons fait deux parties de croquet, mais il faisait si froid et il y avait tant de vent que nous ne sommes restés que très peu de temps dans le jardin. Aujourd’hui il fait encore très froid et le vent est presque aussi fort, mais le soleil est si beau qu’il va peut-être réchauffer un peu l’air. Ce matin nous avons préparé trois petites boîtes de fleurs, pour tante Louise[3], bonne-maman Desnoyers[4] et Marie[5], et nous les avons envoyées à la poste par le facteur. Je viens de recevoir une lettre de Marie, elle va très bien et fait se tient, paraît-il, dans le bas de la maison[6] toute la journée.

Vieux-Thann doit être en fête aujourd’hui, et Marie Berger doit être bien occupée en ce moment ; dans quelques instants elle sera Mme Rich. C’est aussi aujourd’hui que Louise d’Andecy[7] se marie. Quel bonheur de ne plus être dans ces cérémonies-là ; je t’assure que j’aime mieux être à cette année qu’à l’année dernière ; à pareille époque nous n’étions pas bien gais, quoiqu’il ne nous soit rien arrivé que de très heureux[8] ; mais les séparations ont toujours quelque chose de triste.

Adieu mon père chéri, que je voudrais donc que tu sois avec nous ; je rêve te voir ici au mois de Juillet, ce sera si amusant : cela nous fera de si bonnes vacances.
Je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime ainsi que bon-papa et bonne-maman[9].
Émilie


Notes

  1. Marthe Pavet de Courteille.
  2. Alphonse Milne-Edwards.
  3. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  4. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  5. Marie Mertzdorff-de Fréville, sœur d’Émilie.
  6. Le pavillon de la rue Cassette.
  7. Louise Poulain d'Andecy épouse le 20 avril 1881 le mathématicien Henri Poincaré.
  8. Marie Mertzdorff s’est mariée le 4 avril 1880, quittant sa sœur.
  9. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 20 avril 1881. Lettre d’Émilie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_20_avril_1881&oldid=35029 (accédée le 15 novembre 2024).

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