Mercredi 19 juillet 1871
Lettre d’Eugénie Desnoyers (Montmorency) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Mercredi 19 Juillet 71
Mon cher Ami,
Nous sommes rentrées à bon port hier soir au Cottage[2], sans fatigue et sans avoir à souffrir de la chaleur car le trajet entre 8 et 9h était très agréable en voiture d'Enghien à Montmorency. Tu peux donc être tranquille sur ton petit monde, la course s'est bien faite et utilement. Seulement je il faut que nous retournions Samedi matin et je pense, encore une autre fois. C'est bien ennuyeux, mais puisque la chose est ainsi, il faut bien l'accepter et tâcher de soigner ces petites dents pendant qu'il n'y a que peu de chose à y faire. Le petit coton que je dois mettre à Emilie l'agace, aussi je lui donne entière vacance, et les petites poupées et pots feront oublier les petites misères. Heureux âge, elles ont bien dormi malgré la grande chaleur. Notre grande Marie était bien contente à déjeuner lorsque ta lettre de Dimanche lui est arrivée, elle aurait voulu te répondre, mais elle préfère t'écrire demain à la fraîche, et puis elle commence un nouvel ouvrage : une douzaine de torchons à marquer à bonne-maman[3] ! C'est bien amusant. Tes deux chères feuilles de papier ont été embrassées par tes petites filles, et moi aussi je n'ai pas besoin de te répéter combien tes bonnes pensées qui m'arrivent par la poste me sont choses douces, car, malgré tout, je suis souvent près de toi.
J'approuve tout à fait ton projet de venir nous rejoindre vers la fin de la semaine prochaine, de cette façon c'est quelques jours de plus que je ne pensais, que nous donnerons à maman. Cette bonne mère répète toujours combien tu es bon, mais qu'elle ne veut pas te priver trop longtemps des tiens et ainsi elle sera contente, cela fera sept semaines que nous serons restées avec elle, et elle comprend bien que chacun doit être à son devoir et que nous avons besoin aussi d'être ensemble. Tu as tant de préoccupations et de responsabilité, et jusqu'à ce que tu aies pris un parti il en sera ainsi. De conseils on ne peut en donner, mais je te remercie de me communiquer tes idées, je te suis dans tes différents projets, hésitations...
Je vais prier papa[4] d'acheter les cartes de l'Est du dépôt de la guerre.
Pour Léon[5] c'est bien bon qu'il est à se tirer seul de difficultés et qu'il ait si à cœur d'arriver à bonne fin. L'énergie est une si bonne chose dans la jeunesse qui doit faire face aux difficultés de la vie.
Maman est bien, mais je trouve papa fatigué, ces courses continuelles par ces grandes chaleurs sont beaucoup à son âge, et puis ce bon père souvent s'en va pleurer seul, on voit qu'il ne peut pas parler de son Julien[6].
Hier pendant que nous étions chez Aglaé[7], Mme Auguste[8] est venue faire ses adieux, nous avons eu encore le plaisir de la voir, elle part Jeudi pour Chaumont avec Mme Porquet. Adèle[9] et les siens vont bien.
M. Edwards[10] passe cette semaine en Angleterre, il avait besoin de se reposer.
Je parlerai à Aglaé et à Alphonse[11] d'après ta réponse, du plaisir qu'ils nous feraient (s'ils ne peuvent pas venir en Alsace) d'aller à Launay en famille pendant les vacances.
Les prussiens sont toujours en grand nombre dans les parages Montmorency mais on n'entend rien dire, on ne sait pas quand ils quitteront.
La campagne est magnifique.
Quel dommage pour nos belles carpes, ne croirait-on pas que c'est fait exprès pour en avoir à manger !! c'est honteux.
Ce sera bien ennuyeux pour nous si les enfants de Nanette[12] vont en Afrique car elle voudra les suivre ça se comprend.
Je n'ai rien reçu d'Edgar[13], il n'était pas chez lui quand Alfred[14] y a été.
J'espère que tu auras été bien reçu dans ta visite à l'Évêque[15], c'était peu amusant, pauvre chéri, que toutes ces démarches.
Continue à nous écrire, nous ferons de même jusqu'à ce que nous ayons une lettre de toi nous fixant ton arrivée. Maman t'embrasse de tout cœur. Tes fillettes et moi t'envoyons nos tendresses et tout ce que tu voudras de ton trio
EM
Merci à bonne-maman Duméril[16] de sa bonne lettre reçue hier à mon retour ;
La présence de la petite Jeanne[17] fera du bien à tante Georges[18].
Cécile[19] ne va pas mal, malgré la chaleur elle travaille beaucoup. Elle fait dire bien des choses à Nanette et Thérèse[20]. Je suis contente que la belle-fille de Nanette soit venue la voir, je l'avais invitée.
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Eugénie Desnoyers a passé la journée de mardi à Paris avec les petites Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers et mère d’Eugénie.
- ↑ Jules Desnoyers.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Julien Desnoyers (†).
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Eugénie Duméril, veuve d’Auguste Duméril.
- ↑ Adèle Duméril, épouse de Félix Soleil, mère de 3 enfants ; ils vivent à Chaumont.
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Annette, cuisinière chez les Mertzdorff.
- ↑ Edgar Zaepffel.
- ↑ Alfred Desnoyers.
- ↑ André Raess, évêque de Strasbourg.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Jeanne Heuchel.
- ↑ Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
- ↑ Cécile, bonne des petites Mertzdorff.
- ↑ Thérèse Neeff et Annette, domestiques chez les Mertzdorff.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mercredi 19 juillet 1871. Lettre d’Eugénie Desnoyers (Montmorency) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_19_juillet_1871&oldid=51748 (accédée le 21 novembre 2024).
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