Mercredi 15 mars 1876 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)


original de la lettre 1876-03-15B pages 1-4.jpg original de la lettre 1876-03-15B pages 2-3.jpg


Morschwiller 15 Mars 1876.

Ma bien chère Aglaé,

C’est hier que nous avons vu dans le journal la nomination de ton bon mari[1] à la chaire d’ornithologie[2] laissée vacante par Monsieur Milne-Edwards, tu comprends le vif intérêt que nous avons mis à cette nouvelle, car tout ce qui touche le ménage Alphonse Edwards nous est pour ainsi dire personnel. Il est doux pour un bon père, comme l’est Monsieur Milne-Edwards[3], de voir son fils lui succéder et continuer ses travaux. Nous serrons bien fort la main de M. Alphonse en lui exprimant tout ce que notre cœur renferme pour lui de sentiments de profond attachement. Il sait sans que nous le lui disions que nous mettons le plus vif intérêt à ses succès. Ce changement d’appartement dont tu me parles sera plutôt favorable que contraire à la santé ; cependant je sais qu’on ne quitte pas sans quelque regret une habitation où se sont passées bien des années.

Tu as pu juger, ma bonne Aglaé, par la lettre de Paul[4] que je t’ai copiée, toute l’impression qu’a faite sur lui Mlle Mathilde[5]. Hélas ! Dans le moment où les choses prenaient une si bonne tournure, il est survenu une circonstance qui a tout arrêté ; mais j’espère que ceci n’aura pas de durée, et que les soins donnés par de bons médecins amèneront le résultat que nous désirons, et que ces deux jeunes gens qui paraissent si dignes l’un de l’autre pourront un jour s’appartenir par les liens du mariage.

Je suis bien occupée dans ce moment de l’examen de notre chère petite Marie[6] mais j’évite d’en parler. Il y a toujours de la chance dans un examen, et si cette chère enfant n’était pas admise je craindrais que sa santé en souffrît. Mes prières ne lui manquent pas, qu’elle le sache bien ainsi que notre petite Emilie[7] pour laquelle aujourd’hui est le grand jour. Tu embrasseras bien pour moi Madame Pavet[8], tu lui diras, je te prie, que je joins mes félicitations à celles de la famille pour le parti qu’elle a eu le courage de prendre et dont elle reçoit déjà la récompense. Bonne petite Jeanne[9], comme il est touchant qu’elle se soit décidée à quitter la maison en vue d’être utile aux sœurs de Vaugirard.

Nous avons ici un temps affreux qui au reste est général dans tous les pays. Le soleil cependant se montre aujourd’hui puisse-t-il avoir quelque durée !

Mon mari[10] continue à aller bien, mais la maladie qu’il a eue en Xbre l’a changé, tu le trouveras pâli. Il faut qu’il prenne des précautions et un voyage par le temps qu’il fait pourrait lui être nuisible. Va, ce n’est pas l’envie qui nous manque d’aller à Paris.

Tu sais sans doute que Maria Devers[11] est allée avec ses filles[12] rejoindre son mari à Turin. Mari, femme, et enfants ont été atteints plus ou moins par la maladie. La pauvre Maria écrit des lettres fort tristes. Notre cousin Devers a certainement des qualités et du talent mais le manque de jugement a toujours été pour lui et les siens la cause de bien des chagrins.

Adieu bien chère Aglaé je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que nos chères petites et nous t’envoyons ainsi qu’à tes bons parents[13] nos plus tendres amitiés.

Félicité Duméril


Notes

  1. Alphonse Milne-Edwards.
  2. Au Muséum de Paris.
  3. Henri Milne-Edwards.
  4. Paul Duméril.
  5. Mathilde Arnould.
  6. Marie Mertzdorff.
  7. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie (les « chères petites »).
  8. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  9. Jeanne Pavet de Courteille.
  10. Louis Daniel Constant Duméril.
  11. Maria Berchère, épouse du peintre Giuseppe Devers.
  12. Louise, Adèle et Clotilde Devers.
  13. Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 15 mars 1876 (B). Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_15_mars_1876_(B)&oldid=34945 (accédée le 14 novembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.