Lundi 27 mars 1876
Lettre de Félicité Duméril et son époux Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à leur petite-fille Marie Mertzdorff (Paris)
Morschwiller 27 Mars 1876.
Que je suis heureuse, ma chère petite Marie, en apprenant par la lettre de ton bon père[1] que tu es reçue à ce premier examen. Ai-je besoin de dire combien je t’ai suivie par la pensée et combien mes prières pour ma chère petite-fille se sont élevées vers Dieu. Je me sentais agitée, tourmentée mais une bonne prière me calmait. A présent prends du repos, tu l’as bien gagné.
L’examen oral auquel tu vas te préparer n’offre peut-être pas les anxiétés du premier parce que grâce au cours tu t’es aguerrie contre cette crainte de parler devant des examinateurs et que tu as pu par conséquent mettre de côté cette appréhension que donne une trop grande timidité. Enfin, ma chère petite, me voilà tout à la joie. Tu fais des heureux ; d’ici je vois ton bon père, tes grands-parents[2], ta tante, ton oncle[3] te sourire sans cesse… Bonne chère petite, tes tendres mères qui sont au Ciel[4] te bénissent. En même temps que la lettre de ton bon père, il m’en arrivait une de ma sœur[5] qui m’apprend la nomination de Félix Soleil à la Direction de Flers (Orne) c’est son beau-frère[6] qui le lui annonce, mais tant que cela n’aura pas paru à l’officiel on ne peut pas compter absolument sur sa réalité.
Adieu ma bien chère enfant, je vais céder la plume à ton bon-papa mais auparavant je t’embrasse comme je t’aime ainsi que ta tante[7] et notre petite Emilie[8]. Mille tendres amitiés aux chers parents.
Ton affectionnée grand’mère
Félicité Duméril
Je veux aussi t’envoyer mes félicitations ma chère petite & te dire combien nous sommes heureux de ton succès ; je m’inquiète peu de la seconde épreuve, je sais que la dictée était ta principale préoccupation, l’orthographe ne s’apprend pas avec la même facilité par toutes les natures, les unes ont toujours devant les yeux les mots tels qu’elles les ont vus écrits ; c’est comme photographié dans leur mémoire, d’autres ne l’apprennent qu’à force de travail & elle leur échappe facilement au moment où elles en auraient besoin. Ta bonne mère[9] avait cette faculté de s’identifier avec la forme que ses yeux avaient vue ce qui lui donnait aussi une grande facilité pour les langues étrangères. Nous parlions de cela hier à ton sujet, avec ton cousin Georges[10] qui est venu dîner avec nous, qui me racontait que son frère[11], dans un concours de prix, en 5ème je crois, avait fait sa dictée sans aucune faute & qu’il aurait eu le prix si il n’avaient pas eu l’idée de mettre en tête de son devoir, ce qui n’était pas nécessaire Ortographe. Cet h en moins le lui avait fait perdre.
Nous étions bien désireux de connaître le résultat de ton épreuve mais ta bonne-maman s’en faisait du mal tant elle était agitée & elle se lamentait à l’idée que la lettre si on avait pu l’écrire encore le samedi, ne lui arriverait que le lundi matin, ce qui est en effet arrivé, puisque le facteur rural ne revient pas le D'imanche après-midi heure à laquelle nous arrive toujours le courrier de Paris.
Nous remercions bien ton bon Père des précautions qu’il a prises pour nous faire parvenir la nouvelle aussitôt que possible ; c’est une attention dont nous lui sommes bien reconnaissant ! Il faut garder pour vous la nouvelle que donne ta bonne-maman de la nomination de ton cousin Félix ; à Besançon ils ont l’air de n’être pas bien sûrs du renseignement envoyé par M. Tisserant & en effet je ne comprends pas qu’il y ait une succursale de la Banque à Flers, je croyais qu’on n’en établissait que dans les chefs-lieux de départements : enfin nous allons voir si les journaux confirment la nouvelle & nous aurons sans doute une nouvelle lettre dès que la chose sera officielle. Flers est bien loin de l’Alsace & c’est je crois une bien petite ville de sorte qu’on sera encore obligé de souhaiter un nouveau changement.
Adieu ma chère enfant charge-toi aussi de mes compliments pour Emilie pour son prix d’excellence qu’elle a eu le malheur de ne pas partager. Tu sais que je suis de moitié dans tout ce dont ta bonne-maman te charge pour tout votre entourage.
Ton vieux grand-père tendrement affectionné.
C. Duméril
Notes
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
- ↑ Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Caroline Duméril (†) et Eugénie Desnoyers (†), première et seconde épouse de Charles Mertzdorff.
- ↑ Eugénie Duméril, veuve d’Auguste Duméril, belle-mère de Félix Soleil.
- ↑ Gratien Tisserant.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Caroline Duméril (†), épouse de Charles Mertzdorff.
- ↑ Georges Duméril.
- ↑ Paul Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 27 mars 1876. Lettre de Félicité Duméril et son époux Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à leur petite-fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_27_mars_1876&oldid=40478 (accédée le 15 novembre 2024).
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