Dimanche 15 décembre 1833
Lettre de Louis Daniel Constant Duméril (Paris) à son oncle Michel Delaroche (Le Havre)
Paris 15 Décembre 1833
Mon cher Oncle
J’ai reçu ta lettre du 11 Courant & j’ai à te remercier de l’intérêt actif que tu veux bien toujours prendre à moi & à mon avancement ; il m’est bien utile & je sens sais bien en apprécier toute la valeur.
Tu m’engages à me rendre bien compte des chances de perte ou de bénéfices que peuvent peut me présenter une association avec M. Say[1]. J’ai beaucoup réfléchi, depuis longtemps, aux diverses questions que tu me poses & je vais tâcher d’y répondre le plus positivement possible quoique généralement elles soient difficiles à résoudre.
1° Les procédés que nous employons nous permettent de tirer un plus grand parti des basses matières que n’en offrent ceux généralement employés ; ce qui fait mais ils exigent plus de main-d’œuvre & une bien plus grande surveillance du travail. Le soin excessif qu’ils demandent a empêché nos confrères de les employer & nous en tirons fort bon parti avons réussi à y former nos ouvriers qui pourront prendre l’habitude de précautions encore plus grandes. Ces mêmes procédés nous permettent d’employer les sucres dont le prix nous conviennent convient le mieux sans nous astreindre à rechercher telle ou telle sorte nécessaire à notre travail & qui peuvent être rares dans le moment de nos achats. ainsi nous pouvons travailler ensemble ou séparément les sucres des Antilles, de Bourbon ou de nos départements dans la nuance qui se trouve la plus abondante & la moins recherchée, tandis que nos voisins sont obligés d’acheter n’importe à quel prix, des sucres d’une certaine qualité qui leur sont nécessaires pour joindre à ceux qu’ils ont déjà. Quant à la question d’économie générale de notre usine, elle n’est pas encore bien résolue à cause des difficultés présentées par un établissement récent & par les circonstances qui nous ont entravés ; ainsi les fais généraux seraient très peu augmentés pour un travail double de celui que nous avons fait cette année. les retards occasionnés les retards occasionnés par des réparations & des changements d’appareils qu’il nous fallait éprouver & qui aujourd’hui nous promettent une assez longue durée, ont été pour nous la cause de pertes majeures étant survenus dans un moment moment où nous étions chargés de sucres achetés à des prix élevés & à la veille d’une baisse sur les raffinés. M. Say père se retire tous les jours davantage de la partie active de la gestion, c’est-à-dire qu’il ne diminue en rien notre travail en en prenant sa part, il nous laisse toujours faire les choses préparer les choses & faire des plans avant de nous donner des conseils (ce dont nous ne nous plaignons pas puisque ainsi il nous force à songer à tout), mais il nous laisse par le fait autant de travail & de préoccupation que si il ne s’en occupait pas c’est donc à Constant[2] & à moi que s’applique la question d’activité. Nous avons sous ce rapport une excessive concurrence à soutenir car les Parisiens ont vraiment le Diable au corps & je ne crois pas que nous puissions les surpasser ; toujours nous évertuons-nous pour les égaler & nous sentons assez la responsabilité qui pèse sur nous & l’intérêt que nous avons à ne pas nous laisser surpasser pour être toujours sur nos gardes.
2° Nous n’avons que peu ou point à craindre la concurrence de nouveaux appareils pour la fabrication parce que ceux que nous avons déjà sont en général de peu de valeur & que nous pouvons sans grande perte les changer contre d’autres sitôt que nous en trouverons d’autres qui nous offrent des avantages bien marqués sur ceux que nous employons. Toutes les nouvelles chaudières inventées nouvellement sont accompagnées de brevets qui permettent de les voir fonctionner chez ceux qui les emploient. les unes travaillent dans le vide, opéré par des moyens différents, d’autres au contraire cuisent au moyen d’un courant d’air chaud établi par une soufflerie analogue à celle des hauts fourneaux. Ces divers appareils présentent des avantages mais sont accompagnés de graves inconvénients, ils en ont un commun c’est d’être très dispendieux à établir car ils coûtent de 20 à 100 000 francs à mettre en activité, dans une usine importante & quelques-uns des inventeurs exigent en outre une redevance annuelle qui absorbe une portion du bénéfice qu’ils peuvent donner.
3° Nous avons fait un nouvel inventaire au 30 Novembre dernier pour nous rendre compte des pertes ou des bénéfices. Constant & moi l’avons fait séparément & nous sommes tombés d’accord à 2 000 francs près. Suivant son résultat nous n’aurions ni gagné ni perdu mais nous aurions payé l’intérêt de l’argent engagé dans une exploitation, les appointements & le loyer. Les f
Le débit de compte de fonds de la raffinerie qui s’élevait à f 49 392.95 s’élève au 30 juin s’élève aujourd’hui au 30 novembre
f 6 8170.70 au 30 novembre
le débit du compte frais d’établissement qui s’élevait à
f 18 700.42 s’élève au 30 Juin s’élève au 30 Novembre à
f 27 422.32
Ces augmentations différences de chiffres solde tiennent à une assez grande augmentation dans nos ustensiles de raffinerie & à des frais que nous avions reculés, lors de notre début & que depuis nous avons jugé à propos indispensables. Ces comptes ne pourront être dégrevés que lorsque la fabrique donnera des bénéfices certains.
Comme je te l’ai déjà dit plus haut nous avons éprouvé des pertes importantes par des retards survenus dans un moment où nous avions une assez forte quantité de sucres lents achetés à des prix élevés & qui n’ont pu être finis des raffinés que pour le moment de la baisse, ces retards provenaient de la fréquente rupture d’une des pièces principales des pompes qui alimentent d’eau la raffinerie, nous avons depuis changé le système de communication de mouvement de la machine à vapeur aux pompes & nous n’avons plus de crainte sous ce rapport & nous sommes toujours abondamment approvisionnés d’eau. la machine nous élève 10 mille litres d’eau par heure à 90 pieds de hauteur environ ; de sorte qu’avec une heure ou deux de travail elle nous fournit toute l’eau nécessaire pour la journée.
Ces résultats ne sont pas brillants mais ils laissent entrevoir de grandes chances de succès pour un moment plus favorable une époque moins difficile & nous les considérons comme encourageants si bien que nous avons augmenté notre travail depuis ce nouvel inventaire & que nous avons acheté la semaine dernière 2 à 300 milliers d’excellent sucre indigène que nous allons fondre rapidement nous passant entièrement de sucre de cannes dont les prix ne peuvent guère baisser d’ici à quelque temps mais qui pourraient bien éprouver une nouvelle hausse à cause du manque de la disette absolue où nous nous trouvons maintenant ; les courtiers n’ont pas entre les mains échantillon cinquante < > & les raffineries Delessert ; Santerre ; Leroux-Duffié & quelques autres n’emploient point de sucre de betterave.
Voilà la réponse que je puis donner à tes diverses questions qui sont est le résultat de mes observations & des faits, il me reste à m'entretenir avec toi de plus de l'époque à laquelle il serait le plus avantageux de tâcher de m’associer à M. Say, de la manière de régler le compte de mes parents[3] & le mien avec toi mais pour le faire d’une manière plus utile je suis bien aise de pouvoir m’en entretenir de nouveau avec mes parents, n’ayant pu en causer encore qu’avec Maman & peu de temps après la réception de ta lettre. Ce sera donc le sujet d’une autre lettre que je ne tarderai pas à t’adresser.
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original. Il s’agit peut-être d’un brouillon car la feuille, raturée, ne porte pas de signature ni de formule finale.
Pour citer cette page
« Dimanche 15 décembre 1833. Lettre de Louis Daniel Constant Duméril (Paris) à son oncle Michel Delaroche (Le Havre) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_15_d%C3%A9cembre_1833&oldid=58644 (accédée le 2 décembre 2024).
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