Mardi 6 février 1877

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1877-02-06 pages 1-4.jpg original de la lettre 1877-02-06 pages 2-3.jpg


Paris le 6 Février 1877.

Mon Père chéri,

Quelle bonne longue lettre de toi nous avons reçue ce matin ! elle est arrivée pendant ma leçon de dessin[1] aussi je t’assure que je grillais bien en voyant Emilie[2] se délecter dans la lecture de ces 8 bonnes pages et que je pensais bien à autre chose qu’au nez de cette pauvre Vénus qui malheureusement s’en est ressenti et qui est tout de travers ; enfin Mlle Duponchel est partie et comme M. Edwards[3] ne déjeunait pas avec nous je me suis permis de lire à mon tour cette chère lettre, tant attendue, pendant qu’on commençait à manger.

Rien de bien particulier à te dire depuis Dimanche jour où Emilie t’a écrit ; nous avons toujours un temps de printemps quelquefois un peu de pluie mais plus souvent encore du soleil. C’est vraiment incroyable d’avoir un temps comme celui-là on se croirait dans le midi et cependant tout le monde est enrhumé ; ici c’est un vrai concert de toux ; ce pauvre oncle[4] est de nouveau pris comme il l’était lors de ta visite cependant aujourd’hui il a tenu à faire son cours[5] et pour s’achever il dînera ce soir en ville.

Hier nous avons été au cours d’anglais[6] et avant nous avions été faire une petite visite à Paulette[7] ; elle est toujours bien occupée car la malheureuse a été tellement dérangée et préoccupée tout l’hiver que maintenant elle se trouve au moment presque de l’examen avec un surcroît de besogne ; Mathilde[8] n’allait pas mal et cependant elle est bien bien triste ce qui ajoute encore au chagrin de ses parents[9] qui cherchent tous les moyens possibles pour la distraire. Elle quête en ce moment pour la rue de l’Epée de Bois et cela l’intéresse et l’occupe beaucoup ; je ne pense pas qu’elle t’envoie de lettre comme c’est tante[10] qui l’a priée de quêter mais par contre je crois que si tu nous donnais une petite commission pour elle tu lui ferais bien plaisir (l’idée est de moi bien entendu).

Nous venons d’avoir notre leçon de Mlle Bosvy[11] puis nous nous sommes habillées et nous venons de descendre au salon voir Mme Fernet[12] et l’aînée de ses filles[13] (elle en a quatre) elle est charmante et excessivement simple il y a déjà bien longtemps que nous avions envie de faire leur connaissance. J’espère que nous irons bientôt chez elle.

Quel malheur, mon petit père, que tu ne te décides pas à venir pour le Lundi gras ; tu sais que ton invitation t’attend dans notre chambre !

Demain encore grande soirée dans la salle Cuvier ce qui nous réjouit énormément car Mercredi dernier nous nous étions tant amusées. Hortense[14] couchera encore ici et les Brongniart viendront le soir ; de plus nous aurons un nouveau cavalier c’est Léonce de Quatrefages. Tante a rencontré l’autre jour sa mère[15] qui lui a dit que Léonce était invité à la soirée Bureau[16] mais qu’il aurait bien besoin d’une petite répétition, alors tante après avoir longtemps hésité s’est décidée à lui demander de venir comme il est l’ami intime de Charles Brongniart ils seront enchantés de se retrouver ; de plus le connaissant déjà un peu et ayant dansé avec lui nous risquerons moins de nous ennuyer [ ].

Tu vois que nous nous amusons bien mais que cependant nous ne pouvons pas encore rivaliser avec Oncle Léon[17]

J’espère qu’elles s’en donnent nos amies Berger[18] ! mais il me semble que quand on a dansé de 8h du soir à 6h du matin on ne doit plus pouvoir se tenir pendant huit jours, 10h consécutives de danse ce doit être [affreux]

Emilie est en train d’étudier avec rage son piano. Décidément il faut aller à Vieux-Thann pour entendre un concert, moi qui n’y ai pas été depuis l’âge de 6 ans !
Adieu, mon Père chéri, je suis au bout de mon papier et [  ] nouvelle [ ] je t’embrasse de toutes mes forces [  ]  bon-papa et bonne-maman[19]
ta fille Marie.


Notes

  1. Professeur de dessin : Marie Louise Duponchel.
  2. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  3. Henri Milne-Edwards.
  4. Alphonse Milne-Edwards.
  5. Probablement son cours au Muséum.
  6. Professeur d’anglais : Céline Silvestre de Sacy, épouse de Frédéric Foussé.
  7. Paulette : Paule Arnould.
  8. Mathilde Arnould.
  9. Edmond Arnould et son épouse Paule Baltard.
  10. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  11. Marguerite Geneviève Bosvy.
  12. Pauline Burnouf, épouse de Jacques Émile Fernet.
  13. Jeanne Pauline Fernet, sœur aînée d’Angélique Émilie Marguerite Victoire, Amélie Henriette Mathilde, Angélique Charlotte Claire et Eugénie Jeanne Marie Fernet.
  14. Hortense Duval.
  15. Emma Ubersaal, épouse d’Armand de Quatrefages.
  16. Soirée donnée par Marie Decroix et son époux Edouard Bureau.
  17. Léon Duméril.
  18. Marie et Hélène Berger.
  19. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 6 février 1877. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_6_f%C3%A9vrier_1877&oldid=41023 (accédée le 18 décembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.