Mardi 29 juillet 1879 (B)
Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Ouf ! je viens de remplir trente pots de confiture de groseilles de ma façon et je les ai tant tournées et retournées sur le feu que je suis au moins aussi bien cuites qu’elles, mon père chéri. Je suis bien contente de venir me reposer auprès de toi : c’est cette pauvre tante[1] qui g cuit la 2e bassinée et la 3e est réservée à Marie[2]. Toute notre matinée a été consacrée aux confitures, nous avons commencé à éplucher les fruits à 6h1/2 et on s’est mis à cuire après le déjeuner.
Mais il faut que je te raconte l’odyssée des groseilles. Tu sais que nous avons été à Montmorency Dimanche dernier en grande bande car Marthe[3] et Jean[4] étaient de la partie. Nous sommes partis par le train de midi, nous avons trouvé bon-papa et bonne-maman[5] en bonne santé quoique bon-papa fût un peu fatigué par la chaleur. Après avoir fait un copieux goûter de brioches et de sirop de groseille, nous avons exploré tout le jardin et la grande maison, puis tante a réclamé des secours pour cueillir des groseilles et aussitôt tout le monde a retroussé ses jupes et s’est enveloppé dans des tabliers de cuisine, oncle[6] et Jean cueillaient aussi, bonne-maman même y a pris part. On a cueilli ainsi sans relâche pendant plus de 2 heures pour les confitures de tante, puis comme nous avions les genoux tout raides à force de nous baisser et que nous étions très fatigués, nous avons fait une grande partie de cache-cache dans tout le jardin et j’ai joliment fait courir la pauvre Marthe qui du reste me l’a bien rendu. Oncle Alfred[7] est venu dîner et nous sommes partis tous ensemble à 7h1/2 de Montmorency laissant nos trois paniers de fruits que Jean[8] avait ordre de donner à l’omnibus. Arrivés à Enghien, nous réclamons notre nos paniers, mais le voiturier qui était complètement ivre n’avait pas voulu les prendre je ne sais pour quelle cause et ils étaient restés à Montmorency. Tante était bien ennuyée ; elle voyait déjà ses groseilles arriver en marmelade vers la fin de la semaine ; heureusement que ses tristes prévisions ne se sont pas réalisées et que les paniers sont arrivés hier soir en très bon état.
Hier nous avons encore eu une journée bien agréable : hier le matin nous nous sommes promenés dans la ménagerie puis à une heure nous sommes partis pour Sceaux et nous avons passé toute notre après-midi avec Paulette[9]. Elle va un peu mieux, c’est à dire que maintenant elle souffre moins et qu’on lui permet de marcher avec des béquilles, aussi en a-t-elle profité pour faire le tour du jardin avec nous. Elle prend admirablement son parti de ce nouveau mode de locomotion qui doit cependant être bien pénible.
Adieu mon papa chéri, je t’embrasse aussi fort que je t’aime ; je voudrais bien pouvoir le faire réellement mais cela ne tardera pas ; j’espère bien qu’avant un mois nous serons tous réunis. Ce sera joliment amusant, tous les jours nous allons avec oncle nous promener en pensées au Mont Blanc et ces promenades imaginaires ont déjà beaucoup de charmes, que seront donc les réelles !
Ta fille,
Émilie
Notes
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Marie Mertzdorff, sœur d’Emilie.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Alfred Desnoyers.
- ↑ Jean, au service d’Alfred Desnoyers ?
- ↑ Paule Arnould.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 29 juillet 1879 (B). Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_29_juillet_1879_(B)&oldid=40950 (accédée le 8 octobre 2024).
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