Mardi 26 octobre 1880

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1880-10-26 pages 1-4.jpg original de la lettre 1880-10-26 pages 2-3.jpg


Paris 26 8bre 80.

Je n’ose plus, mon Père chéri, compter depuis combien de temps je ne t’ai pas écrit ; c’est affreux, et si je ne savais pas qu’Émilie[1], meilleure correspondante que moi, te tenait au courant de tout ce que nous faisions, je ne m’en consolerais pas. C’est que, vois-tu, depuis que je suis revenue à Paris j’ai l’esprit moins calme que pendant les vacances ; je voudrais que ma maison[2] s’organise le plus tôt possible et ce n’est pas chose facile. Je n’ai toujours que mon ouvrière qui heureusement a beaucoup de bonne volonté et se met à toutes les sauces. Les domestiques continuent à se succéder, il n’y a pas de jours où je n’en voie au moins un ou deux ; j’écris pour avoir des renseignements dans tous les coins de la France et tout cela ne m’amène pas à un résultat satisfaisant. Ce pauvre Marcel[3] qui ne veut pas que je me fatigue, se met en quatre pour m’aider, il arpente Paris en tous sens et ce matin enfin après avoir couru pendant 3 heures par une pluie battante il vient de rentrer triomphant ; il croit avoir découvert un ménage pouvant nous convenir ; nous attendons les renseignements des anciens maîtres mais j’espère qu’ils seront bons car ce sont eux qui tâchent de replacer leurs domestiques ; ils sont aussi restés longtemps dans les mêmes maisons ce qui est bon signe et ce qui n’arrive pas souvent. Je t’assure que tout en faisant ces démarches je pense bien à notre pauvre bonne-maman[4] qui est à peu près dans les mêmes conditions que moi, et je la plains de tout mon cœur ; je ne pensais pas que ce fût si difficile de trouver des gens à peu près bien car je suis loin de prétendre à la perfection.

Pour comble de malheur voilà l’hiver qui arrive ; j’ai aujourd’hui pour la 1ère fois du feu dans mon petit salon ; il pleut très fort aussi je ne sortirai que ce soir pour aller voir notre mère[5], Louise, Roger[6] et toute la bande qui arrivent de Trouville ; nous sommes bien contents de les revoir et je crois qu’eux aussi ne sont pas fâchés de rentrer ; le bord de la mer par un temps pareil ne devait plus être agréable. Nous voyons continuellement Tante[7] et Émilie, car nous allons presque tous les jours dîner au Jardin ; hier nous avons fait ensemble des courses au Bon Marché.
Je cherche ce que je pourrais bien te dire d’intéressant, je repasse ma semaine et je ne vois absolument que visites de domestiques, lettres de renseignements écrites, réponses vivement attendues qui arrivent puis déception ! Tu vois que c’est peu distrayant. Tante prétend que c’est très bon pour moi.

Marcel est retourné à la Cour, il recommence à travailler, il aura aussi à ranger tous ses livres car sa bibliothèque arrive dans une dizaine de jours.
Quand donc, mon Père chéri, viendras-tu voir tout cela ? Tu sais que nous t’attendons comme la bibliothèque, pour le commencement de Novembre. Quel bonheur de te revoir ! Adieu, Père chéri, à bientôt, je t’embrasse de tout mon cœur. Marcel joint ses amitiés aux miennes.
ta fille,
Marie

J’embrasse bien fort bon-papa et bonne-maman[8] et je suis pleine de remords de ne leur avoir pas écrit encore.


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Le pavillon de la rue Cassette.
  3. Marcel de Fréville, époux de Marie Mertzdorff.
  4. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril, quittée par sa bonne, Claudine Bueb, qui se marie.
  5. Sophie Villermé, veuve d’Ernest de Fréville.
  6. Louise de Fréville et son époux Roger Charles Maurice Barbier de la Serre, parents de Louis, Etienne, Maurice et René Barbier de la Serre.
  7. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  8. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 26 octobre 1880. Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_26_octobre_1880&oldid=59306 (accédée le 15 novembre 2024).

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