Mercredi 20 octobre 1880
Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris 20 Octobre 1880.
Merci mille fois, mon cher Papa, pour la bonne et longue lettre que nous avons reçue de toi ce matin ; je t’assure qu’elle m’a fait bien plaisir, nous nous sommes jetés dessus Marcel[1] et moi et nous l’avons lue ensemble pour ne pas perdre de temps et savoir le plus tôt possible comment tu allais et ce que devenait notre cher Vieux-Thann. Ce qui m’a beaucoup réjouie c’est la pensée de t’avoir bientôt ici, seulement mon pauvre Père si cela continue tu risques fort de déjeuner de pain et de confitures, nous sommes toujours sans domestiques et rien ne nous dit que nous devions en avoir prochainement ; jusqu’à présent nous dînons au Jardin le soir, le matin nous mangeons 2 tranches de pain fournies par tante[2] la veille au soir, à midi nous allons déjeuner au restaurant et dans la journée cette bonne tante m’envoie sa femme de chambre pour faire mon ménage et continuer les nettoyages. Demain je dois avoir une ouvrière qui passera la journée ici et me fera mes 2 1ers repas ; ce système continuera jusqu’à ce que j’aie trouvé de bons domestiques mariés ou non mariés. Cela devient véritablement une denrée introuvable et nos petits-enfants feront bien d’apprendre à se servir eux-mêmes car dans cinquante ans personne ne voudra plus faire la cuisine, peut-être qu’alors on aura inventé des machines qui feront tout l’ouvrage ? Ce serait bien agréable !
Il fait aujourd’hui un temps épouvantable, il pleut sans discontinuer, les rues sont sales et boueuses, et n’invitent pas à sortir. Marcel est cependant parti en courses ; il doit aller chez M. Roland-Gosselin afin de se renseigner exactement sur les obligations de M. le curé[3], je te dirai avant de fermer ma lettre le résultat de ses démarches.
Je suis bien contente malgré mon manque de serviteurs, d’être réinstallée chez moi[4]. Tante nous avait préparé une série de surprises : d’abord la maison était propre, frottée, récurée, des petits bouquets de fleurs remplissaient nos vases ; enfin le fond de notre alcôve était entièrement tapissé de rideaux ; tu verras quel joli effet cela produit, ma chambre est si gentille maintenant que je me réjouis presque à la pensée de rester dans mon lit. Depuis ce matin je range mes armoires, mes tiroirs, c’est si agréable d’avoir beaucoup de place, décidément je suis bien gâtée et ma petite maison m’enchante.
Adieu, mon cher Papa, à bientôt je l’espère, fais des vœux pour que ce soit un domestique qui vienne t’ouvrir la porte ! Je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime.
ta fille,
Marie
J’embrasse bien fort bon-papa et bonne-maman[5].
Marcel rentre ; on lui a dit que ces obligations nord-ouest de l’Espagne ne se négociaient pas à la bourse, ce ne sont que des valeurs de banque ; un agent de change ne peut donc donner sur elles aucun renseignement certain, mais à première vue il pense que il est toujours préférable de se débarrasser de semblables valeurs qui ne sont pas payées depuis longtemps et dont on peut encore obtenir un petit capital.
Marcel les fera vendre dès que tu lui en auras donné l’avis. Il me charge de t’envoyer ses plus respectueuses amitiés.
On a remis à Marcel le titre de rente qui nous appartient à Émilie[6] et à moi et qui maintenant est divisé en deux.
Notes
- ↑ Marcel de Fréville, époux de Marie Mertzdorff.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Louis Oesterlé.
- ↑ Le pavillon de la rue Cassette.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mercredi 20 octobre 1880. Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_20_octobre_1880&oldid=35039 (accédée le 15 novembre 2024).
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