Mardi 25 et mercredi 26 mai 1869

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


Launay Mardi 25 Mai 69

Tu dois maintenant, mon cher Ami, connaître le résultat des élections de notre canton[1] ; et j'espère que je vais recevoir ma petite dépêche me disant que M. Keller a obtenu la majorité et que mon mari me revient bientôt. Tu dois être ennuyé de tes longues séances de maire d'autant plus qu'en rentrant tu ne trouves pour te reposer qu'une maison envahie par les ouvriers. Pauvre Ami, ce n'est pas amusant pour toi, ni pour nous de te savoir ainsi.

Papa[2] va nous quitter dans un instant, il va retourner pour quelques jours au collier de misère car ce bon père est si heureux ici que c'est avec regret qu'il quitte son cher Launay.

Le beau temps est revenu et avec lui les promenades et les courses dans les bois. Nos fillettes[3] ont l'air de se très bien trouver de ce régime, elles ont toutes deux des mines qui font plaisir à regarder. Jean[4] continue à avoir une profonde admiration pour ses petites amies, et sa passion pour sa chérie Emilie ne fait que croître et embellir. On fait des parties de rire qui donnent envie de s'en mêler. Voilà ma petite Founi qui arrive en chantant ; ce matin elle s'est réveillée comme un petit rossignol et me voyant presque prête, elle s'est vite habillée et nous sommes descendues de compagnie à la messe de 7 h. C'est ma Mie qui a eu un désespoir de ne pas s'être réveillée à temps pour être aussi de la partie, mais une bonne promenade dans les Renardières[5] l'a consolée.

Les renseignements sur les fermiers Ménager continuent à être excellents. Le notaire est venu ce matin apporter lui-même les renseignements qu'il avait eus par différentes personnes, et qui étaient satisfaisants, aussi papa leur a écrit de venir nous trouver cette semaine ; nous allons tâcher de finir cela à nous deux maman[6] afin de ne pas en trop ennuyer nos chers messieurs lorsqu'ils reviendront, et nous donnerions dès la semaine prochaine le bail à faire au notaire.

Voilà mon maître.

9 h du soir.

La pluie est revenue, notre bon père est parti par un temps affreux, avec gros cœur de laisser son cher Launay ; je l'ai affublé de mon manteau imperméable qui lui va dans la perfection, ce qui me force à reconnaître que les yeux qui le trouvent trop grand pour mon dos et ma belle taille pourraient bien voir juste.

Ta lettre reçue ce matin m'a fait bien plaisir et j'en espère encore une pour demain. Comme on devient insatiable.

Maman et Aglaé[7] travaillent à côté de moi et me chargent de te transmettre leurs amitiés. Maman va étonnamment bien, à notre grande joie.

Quel beau ciel la nuit dernière ! Je ne sais pourquoi je ne dormais pas et je l'admirais de mon lit tout en songeant à ceux que j'aime le plus, toi et mes chéries. Un bon petit bonsoir bien amical

Eugénie M.

Mercredi matin rien de neuf ce matin : temps gris, tes petites filles ont toujours la maladie de rire ; on me demande 50 fois par jour quand tu reviens. Nous t'embrassons comme nous t'aimons.


Notes

  1. Vieux-Thann, canton et arrondissement de Thann.
  2. Jules Desnoyers.
  3. Marie (Mie) et Emilie (Founi) Mertzdorff.
  4. Jean Dumas.
  5. « Les Renardières » est le nom de la propriété qui jouxte celle d’Eugénie Desnoyers.
  6. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  7. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 25 et mercredi 26 mai 1869. Lettre d’Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_25_et_mercredi_26_mai_1869&oldid=40888 (accédée le 14 décembre 2024).

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