Mardi 23 juillet 1878

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1878-07-23 pages 1-4.jpg original de la lettre 1878-07-23 pages 2-3.jpg


Paris 23 Juillet 78

Mon cher Papa,

Je te remercie bien de m’avoir écrit une si bonne lettre elle m’a fait bien plaisir, ce qui nous[1] réjouit moins c’est que tu retardes encore le moment de ton départ. L’exposition ne t’appelle donc pas ? Si tu savais quelle quantité de belles choses il te reste à voir ! Quand ce ne serait que le ballon : hier M. Edwards[2] y est monté et a été ravi de son expédition ; nous devons un de ces jours l’aller voir gonfler et partir. Mais nous t’attendons pour nous envoler en l’air. Il paraît qu’on a une vue splendide sur Paris et les environs. Enfin le mois sera bientôt fini et l’époque du départ approche à grands pas.

Nous faisons tous d’ardents vœux pour que la grande maison de Perros-Guirec soit encore à louer. Plus nous pensons à cet endroit dont Mme Festugière[3] parle avec tant d’éloges, plus nous avons envie d’y aller ; tout semble devoir y être réuni ; du reste pour te rendre compte de la situation mieux que je ne pourrais te le faire dire, regarde la carte n°417 (Lannion) de l’état major : tu verras sur une petite pointe le village de Perros (2 700 habitants) de chaque côté 2 rades superbes toutes découpées de petites criques ravissantes, de beaux rochers se détachant sur une plage de sable jonchée de superbes coquilles, en face la pleine mer, puis quelques îlots : la mer sans cesse sillonnée par des petits bateaux de pêcheurs car Perros a un petit port assez actif.
Non loin de là un magnifique château en ruine servant de point de vue. Notre maison (car nous l’appelons déjà ainsi) est à 10 minutes du village tout à fait sur le bord de la mer avec un grand jardin à côté d’une ferme. Enfin pour comble de bonheur Perros est tout à fait sauvage, on y est aussi libre que possible c’est trop loin pour que les baigneurs tant soit peu huppés s’y rendent il n’y a que des pêcheurs et de vrais bretons en costume et parlant encore leur vieille langue celtique.
N’est-ce pas là tout ce que nous cherchons ? Je suis sûre que maintenant l’enthousiasme te gagne aussi ; encore Mme Festugière ajoute-t-elle que nous serons encore plus contents que en arrivant. Le seul inconvénient c’est que c’est à 20 ou 25 km du chemin de fer mais un service régulier de voitures fait le trajet en 3 heures. Malheureusement je parle encore comme Perrette[4] nous ne savons pas encore si la maison est libre et comme elle est unique il faudrait renoncer à Perros. La réponse ne peut nous parvenir avant demain. Dans tous les cas (si tu approuves) notre intention était de partir le 1er au soir (de Jeudi en 8) Jean[5] viendra avec nous et c’est ce jour-là qu’a lieu sa distribution des prix. Quant au retour il est reste dans le vague, nous aimerons bien prolonger notre séjour jusqu’au 15 Septembre mais cela dépendra de bien des choses. Quels sont les projets de bonne-maman[6], à quelle époque le mariage de Paul[7] l’appellera-t-il à Paris ? Voilà ce que nous voudrions bien savoir. Mais en tous cas nous louerons la maison jusqu’au 15 Septembre. Oncle[8] ne pourra malheureusement pas partir avec nous à cause des concours de l’école de pharmacie mais il viendra nous rejoindre peu de jours après.

Te voilà bien au courant maintenant mon Père chéri, de tous nos projets ; ma lettre entière a été remplie par Perros mais je n’avais rien d’autre à te dire ; nous allons tous bien, on continue à étouffer aussi allons-nous bientôt aller au bain froid.
Bonne-maman Desnoyers[9] revient aujourd’hui de Montmorency.

Je t’embrasse bien bien fort comme je t’aime.
ta fille qui pense bien à toi,
Marie

J’embrasse de tout mon cœur bon-papa et bonne-maman[10].

Nous sommes pleines d’une belle ardeur de dessin et nous comptons croquer Perros sur toutes ses faces. Mais c’est là encore un projet qui repose sur des bases d’argile. La prochaine lettre sera plus positive.


Notes

  1. Marie et sa sœur Emilie Mertzdorff.
  2. Henri Milne-Edwards.
  3. Cécile Target veuve de Georges Jean Festugière.
  4. Allusion au personnage de la fable de Jean de La Fontaine : « La laitière et le pot au lait ».
  5. Jean Dumas.
  6. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  7. Paul Duméril doit épouser Marie Mesnard.
  8. Alphonse Milne-Edwards.
  9. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  10. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 23 juillet 1878. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_23_juillet_1878&oldid=51325 (accédée le 22 décembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.