Mardi 23 juillet 1872

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie et Émilie Mertzdorff et d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Paris) à Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller)


Paris

23 Juillet 1872

Ma chère bonne-maman,

C'est moi qui prends la plume pour te dire que nous sommes tous arrivés à bon port. Ici nous avons trouvé tout le monde en bonne santé. J'ai très-bien dormi cette nuit. Nous avons trouvé à la gare nous nous attendant tante et oncle[1] qui s'étaient levés de bien bonne heure. Ce matin j'ai déjà joué avec le petit Jean[2]. Il est bien gentil et bien amusant.

Demain nous irons au cours[3] et Jeudi nous entrerons en vacance je me réjouis beaucoup.

Hier en passant sur le viaduc nous avons vu la pauvre locomotive brisée jetée à l'envers sur le talus[4].

Nous prendrons un bain froid à quatre heures ça sera bien bon il fait si chaud. Nous venons tous de nous débarbouiller et nous avons trouvé cela excellent.

A 1 heure nous irons chez tante.

Marie - Conduire une pauvre petite orpheline dans une maison à Batignolles.   

Comme Émilie te l'a dit nous avons fait très bon voyage. Nos compagnons de route furent la famille juive Lans je crois et une famille d'anglais très nombreuse dont la petite fille paraissait bien gentille.    

La chaleur est atroce et l'on est à moitié cuit enfin c'est pour tout le monde la même chose.    

Je crois bien que nous finirons par avoir tante Aglaé avec nous au bord de la mer. En ce moment elle est retournée déjeuner.   

Pardon chère bonne-maman de cette lettre certainement si tu ne nous en avais pas tant priées nous ne ferions pas partir cette horreur.     

Je ne vois plus rien à te dire si ce n'est de te répéter que je vous aime beaucoup. je t'embrasse encore une fois ainsi que bon-papa[5] et oncle Léon[6].    

ta petite Marie.     

Les deux bonnes petites chéries étant prêtes les premières elles se sont mises à écrire et vous ont dit que nous avions trouvé tout le monde bien et que le voyage s'est bien passé ; je n'ai rien à ajouter, mais cependant je ne puis laisser partir du papier blanc.

Papa et maman[7] ont très bonne mine, je n'ai pas besoin de vous dire qu'ils sont bien heureux de nous avoir pour quelque temps.

Alfred[8] est bien, tout occupé de sa petite affaire il vient d'emmener Charles[9] à Alfort pour voir sa briqueterie. Pendant ce temps j'ai conduit les enfants chez Aglaé, elle les emmène voir un orphelinat, puis reviendra nous prendre pour les conduire aux bains froids. Je suis entrée chez Mme Bibron[10] qui est partie de ce matin pour la campagne, j'ai laissé un petit mot.

Demain matin nous irons chez le dentiste[11], et dans la famille si possible, et à 1h au Cours ; Jeudi à Montmorency et le projet est de partir Samedi pour Launay avec papa et maman, nous y resterons avec cette bonne mère jusqu'au moment où Aglaé viendra nous trouver pour aller à la mer, car elle vient avec nous et Alphonse viendra nous retrouver vers le 15. Vous voyez que cela s'arrange assez bien.

Nous avons encore bien repensé à ce qui nous occupe tant pour Léon[12] et nos souhaits l'accompagnent toujours.

Papa, maman, Aglaé, Alfred et Alphonse m'ont chargée de mille choses pour vous tous.

Nous vous embrassons de tout cœur

Votre bien affectionnée

Après le bain je tâcherai d'entrer quai de Béthune[13]. Voilà l'orage


Notes

  1. Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.
  2. Jean Dumas.
  3. Le cours des dames Boblet.
  4. Le 20 juillet 1872, le train-poste Mulhouse-Paris déraille sur le viaduc de Dannemarie. La locomotive et le tender sont précipités dans le vide, le reste du convoi demeure sur le viaduc. Le mécanicien et son chauffeur sont tués (Le Temps, 22 juillet 1872).
  5. Louis Daniel Constant Duméril.
  6. Léon Duméril.
  7. Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
  8. Alfred Desnoyers.
  9. Charles Mertzdorff.
  10. Jeanne Belloc, veuve de Georges Bibron.
  11. Ernest Pillette.
  12. Les projets de mariage de Léon Duméril.
  13. Quai de Béthune où habite Charles Auguste Duméril.

Pour citer cette page

« Mardi 23 juillet 1872. Lettre de Marie et Emilie Mertzdorff et d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Paris) à Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_23_juillet_1872&oldid=61665 (accédée le 9 décembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.