Mardi 1er août 1916

De Une correspondance familiale



Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne)


original de la lettre 1916-08-01 pages 1-4.jpg original de la lettre 1916-08-01 pages 2-3.jpg


Paris, 1er Août 16[1]

Mon cher Louis,

Je reçois ta bonne, longue, très longue lettre du 30 et je viens tout de suite te dire combien elle nous a fait plaisir. Je dis nous, car ton papa[2] reparti pour Lyon le 27 (Jeudi) en est revenu Dimanche matin, triomphant quoique n'ayant pas complètement réussi[3]. Tu sais la trame qu'il a ourdie pendant son petit séjour à Paris et que de séjours il a faits dans les antichambres ministérielles. Le résultat inattendu a été la réception d'une dépêche au moment précis où allait commencer la vente : dépêche d'un Ministre (il ne sait lequel) ordonnant de remettre la vente à une date indéterminée ! Tableau. Les gros négociants arrivés avec nombreux bagages pour un long séjour remballant tout dans le train même que prenait ton père. Les journaux de Lyon parlent du coup de théâtre qui est diversement commenté[4]. Enfin ton papa est content et croit bien n'avoir pas perdu sa peine. L'avenir en décidera. Il mériterait bien une complète réussite.

J'ai retrouvé Samedi à 3h Lucie[5] et les enfants[6] cuits dans leur jus dans le train que j'ai repris à Bourges et j'ai mijoté dans le même jus pendant 4 heures encore.

Je rapporte de Bourges la délicieuse vision d'une nombreuse et belle famille[7] où tout se passe avec ordre, douceur et tranquillité. Les enfants sont pourtant pleins de vie et d'entrain, mais une atmosphère de discipline et de raison enveloppe le tout. La pauvre maman est bien lourde et bien volumineuse (le n°8 est pour la fin de 7bre) de sorte qu'elle a confié aux enfants le soin de me faire visiter la ville : j'ai emmené 5 guides et ce n'a pas été la partie la moins intéressante de l'excursion.

Je suis bien intéressée par ce que tu me dis du pauvre Lalo et je pense bien à sa vaillante mère que j'admire sans la connaître. Je veux espérer que cette maladie est providentielle et le lui gardera.

Nous avons été passer l'après midi de Dimanche à Saint-Cloud[8] et hier les Jacques avec les Colmet Daâge[9] et aussi Mme René CD[10] ont déjeuné ici. Demain matin Lucie part pour Wimereux et nous dînons [ce] soir chez Jacques. Nous projetons d'aller Jeudi à Écuelles et de partir probablement Samedi pour Brunehautpré, ton père et moi.

J'ai assisté ce matin à l'enterrement de Mme Flandrin[11], la mère de Marie et j'ai fait le voyage de retour du Père Lachaise avec Mme Duval[12] et Ed. Arnould[13]. Marc[14], le principal héros de la famille [Dubarry], déjà officier, vient d'être légèrement blessé à la main, déjà guéri sans avoir voulu être évacué pour ne pas quitter ses hommes, il a la croix de guerre. Remi[15] vient de passer dans l'artillerie et quitte le train avec bonheur. Le Docteur Arnould[16] qui souffre toujours de son bras suit une saison à Bourbon l’Archambault.

Merci des renseignements que tu me donnes pour les victuailles à t'envoyer : je ferai une expédition demain.

Nous n'avons pas de récentes nouvelles de Pierre[17] mais il est en route, car Henri[18] l'a croisé sans le savoir : quand il s'est aperçu que c'était le 14e qui passait sur la route il a hélé un Maréchal des Logis qui était précisément de la Brigade de Pierre, mais celui-ci était en tête et Henri ne l’a pas vu. C'est dommage.

Ton papa se joint à moi pour t'embrasser très tendrement.

Emy

Henri quitte Ligny et croit se diriger vers Château-Thierry. Reçois tous nos compliments pour ton « avancement » c'est un brillant commencement ! tu n'as plus qu'à continuer.


Notes

  1. Lettre sur papier-deuil.
  2. Damas Froissart.
  3. La vente des étoffes de l’usine, mises sous séquestre.
  4. Voir article de presse en annexe.
  5. Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote.
  6. Anne Marie, Georges et Geneviève Degroote.
  7. Hélène Barroux, épouse de Marc Ghislain Dupont et mère de Anne, Marc, Bernard, Raoul, Maxime, Solange et Emmanuel Dupont.
  8. Chez Jacques Froissart et son épouse Elise Vandame.
  9. Guy Colmet Daâge et son épouse Madeleine Froissart.
  10. Monique Fouques Duparc, veuve de René Colmet Daâge.
  11. Aline Desgoffe, veuve de Paul Flandrin.
  12. Probablement Paule Arnould, épouse de Louis Duval.
  13. Possiblement Marie Edmée Arnould.
  14. Marc Duval-Arnould.
  15. Probablement Rémy Duval-Arnould, frère de Marc.
  16. Edmond Arnould (fils), chirurgien.
  17. Pierre Froissart, frère de Louis.
  18. Henri Degroote.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 1er août 1916. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_1er_ao%C3%BBt_1916&oldid=55203 (accédée le 18 décembre 2024).

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